dimanche 29 octobre 2023

Strange way of lifre

Mon type de mec : Pedro Pascal, autant dans Narcos qu’en cow boy gay dans Almodovar.

(Une bonne fois pour toute : je ne m'emmerderai pas avec les transitions, les introductions et les notes de bas de page. J'avais déjà pas beaucoup de lecteurs fictifs il y a 6 ans, depuis il y a eu le covid, autant dire que ceux qui restent sont morts même s'ils ne le savent pas encore)(revenons donc à Pedro)



(je vous mets pas les plus jolies, vous allez me le piquer)(y'a un ananas pour me faire pardonner)

Quand un type hétéro joue un homo, on est toujours émerveillé devant tant de courage et d’ouverture d’esprit. On se dit que ça ne doit pas être facile d’embrasser un autre homme devant la caméra. Je me demande si pour un homo, c’est aussi difficile d’embrasser une femme devant la caméra. En tout cas, je note qu’on a assez peu souligné l’effort. Pour les femmes, on s’en fout : homme femme poney, caméra ou gravier, pas besoin de leur demander, elles sont habituées à se forcer.




J’ai fini hier 'A la folie' de Joy Sorman, où elle observe la vie dans un hôpital psychiatrique. L’asile, ma nouvelle passion : curiosité pour l’étrange, destin personnel, ou avenir de l’humanité ? On le saura d’ici une vingtaine d’années.

En attendant, laissez-moi vous partager ce passage formidable (il y en a plein) au sujet d’un patient autorisé à quitter l’hôpital pour vivre en appartement thérapeutique, une vie qui s’approche donc plus de la nôtre, une sorte de libération. Je cite :

«(elle fait un parallèle entre ce patient et l’imagerie du fou du Moyen Age) … ce bouffon qui incarne la déraison du monde, dépouille l’humanité de son arrogance, et révèle à chacun sa pathétique vérité.

Qu’est ce qui t’a le plus manqué dehors Franck ? Ma bite et les oiseaux. »

(je vous laisse une minute de silence pour savourer)

Ce qui est étonnant avec cette réponse, c’est qu’à l’hôpital, il pouvait voir les oiseaux et à plus forte raison sa bite (qu’on ne retire pas au patient quand il interne les lieux, contrairement au téléphone dans de nombreux cas). On aurait pu imaginer un café en terrasse, fumer une clope quand ça me chante, choisir mon menu, enfin un peu d’intimité. Mais non. Sa bite et les oiseaux.



Mais en y réfléchissant, à quoi bon une bite et des oiseaux quand on est enfermé ? Quelle saveur cela peut il bien avoir sans la liberté de pouvoir y goûter quand bon nous semble et pas uniquement sur quelques créneaux (autorisés pour les oiseaux, volés pour la bite). Un café aussi bon soit-il est-il meilleur à la machine à café avec des collègues de boulot, vite fait entre deux réunions, ou tranquillou en terrasse au soleil à dix heures du matin, à regarder les passants sans contrainte horaire de toute la journée ? 

Ce café, c’est la bite de Franck. C’est le même et pourtant, non, pas du tout. Ça n’a même rien à voir. Décalage d’espace-temps. En prison, à l’hôpital, au bureau, on n’aura jamais que l’infime sensation de la possibilité d’une bite. Libre, on retrouve sa bite (et les oiseaux, mais j’ai plus de chance de retenir votre attention en écrivant bite tous les 30 mots qu’en parlant de volatiles).

Merveilleuse découverte de ce dimanche matin : le contexte transforme les choses. 

Ne me remerciez pas, la magie, c’est gratuit.

mardi 14 novembre 2017

Avec toute ma dédaigneuse affabilité et ma morgue égalitaire

Kikou les lecteurs fictifs, c'est le retour du blog, lolilol.

Non, en vrai, on ne fera pas peau neuve (passé 40 ans, ça serait de la chirurgie, on est trop radin pour ça au blog). On se contentera de raconter ses vacances en Grèce hors saison avec quelques vagues citations littéraires (ce qu'il y a de bien à l'approche de la ménopause, c'est que l'avis des lecteurs fictifs, on s'en tamponne le siphon, on sait que dans quelques années, on sera en face de l'infirmier en train de baver béatement notre compote tout en se chiant dessus sans que ça nous gêne le moins du monde et on a décidé d'en prendre notre parti).

Je vous raconterai pas Athènes, c'est comme sur les cartes postales sauf qu'on y comprend rien.
Juste pour vous faire rêver : la vue sur l'Acropole en grimpant sur les chiottes de ma chambre d'hôtel :



Après, j'ai pris le bateau.
J'espérais être à Hydra, je suis arrivée à Douvres (j'ai modéré ma déception en pensant à celle de tous ceux qui vivent l'inverse)(ensuite j'ai eu un peu honte d'avoir pensé ça)(ensuite j'ai mis mon casque pour pas entendre le concert de vomi qui envahissait tout le bateau).


Vu que le trajet m'avait ouvert l'appétit et qu'il pleuvait des cordes (regret 1 : j'aurai dû prendre mes bottes en caoutchouc rose)(regret 2 : j'aurai dû aller passer mes vacances à Dunkerque, ça m'aurait coûté moins cher), je suis allée manger de l'agneau au yaourt de concombres et des frites au thym. Le soleil (qui en novembre en Grèce prend la forme d'un nuage lumineux)(un peu comme à Dunkerque) réapparaissant, je m'empare de mon sac rempli de livres et de pyjamas (=lourd) et je pars à la recherche d'un donkey-man pour qu'il m'emmène dans mon airbnb selon les instructions de mon hôte qui de toute façon ne répondait pas au téléphone, persuadée que tout le monde savait où elle habitait dans sa "petite" île.
En réalité, n'est pas Lady Gaga qui veut, sans compter que les donkey man préfèrent porter des planches que mon sac (la menuiserie c'est plus porteur que la littérature, ahah)(ça fait 2 heures que je traîne mon sac dans des escaliers pavés en essayant mes clés sur toutes les portes, j'ai plus du tout envie de rigoler).
Finalement, ils ont attendu que je pleure pour me montrer où c'était. Je m'en fous, j'avais pas emporté ma dignité (je la trouve plus).
 (ça, c'est une des photos que j'ai prise pour retrouver mon chemin quand je suis partie faire des courses)

Après, c'était vraiment cool, c'est dommage que j'ai pas pensé à instagrammer ma soirée (salade de pâtes et Netflix)(à 19h).

Par contre, ce matin, j'ai pas hésité (je me suis réveillée fermement décidée à montrer au monde entier que ma vie était une friandise perpétuelle et pour ça, j'avais besoin que le reste du monde m'envie) :

 Bilan :
1/ J'ai du jus de grenade sur mon clavier d'ordi mais même pas on la voit sur l'image.
2/ Je maîtrise pas du tout (entre autre) la notion d'exposition photographique (je sais même pas si c'est comme ça qu'on dit)
3/ C'est dommage, il manque la bande son : des chiens, des moines, des coqs et toutes les heures, la cloche de la petite chapelle juste à gauche de la photo
4/ Je kiffe le vide abyssal des 15 jours qui s'étalent devant moi (et je tiens à ce que ça se sache sur tous les réseaux sociaux #Ilovetropmyparadoxe!).

Sans transition, la rubrique littéraire :

Pour Tonton Gro : "Kharlov semblait toujours s'entretenir par grand vent avec une personne placée de l'autre côté du ravin" Tourgueniev, Un Roi Lear des steppes

Pour ma pomme : "[...] envoyait indistinctement des sourires et des petits bonjours de la main aux enfants du portier et aux locataires bourgeois de l'immeuble qui passaient à ce moment-là et qu'elle confondait dans sa dédaigneuse affabilité et sa morgue égalitaire" Proust, Le Côté de Guermantes

Le conseil du jour : "le mystère est que fort peu d'entre nous méritent une auréole. Je soupçonne que dans la vie de certaines personnes connues, il y a soudain un moment où il faut faire un choix. Vais-je me marier ou brûler ? Voler ou donner aux autres ? Refermer la porte sur une vie que j'ai désirée pour en ouvrir une autre délibérément, sur les ennuis et la souffrance parce que... Le "parce que" est la véritable histoire; elle est rarement racontée." Gore Vidal, Un garçon près de la rivière (bisou l'Alambic !)



vendredi 1 avril 2016

Quant à mon sort, s'il a été écrit, c'était sans doute par une flatulence divine.

Oui. Le blog s'oriente vers l'analisme littéraire. On ferait n'importe quoi pour se démarquer.

Aujourd'hui, le titre de ce post, cette merveilleuse sentence et toutes les autres qui suivront sont issues de ce que nous ne craignons pas d'appeler un chef d'oeuvre, une oeuvre monstre, une oeuvre monde, et tout le tralala : Vilnius Poker, une super-production écrite par Ricardas Gavelis (des bisous, mon génie foufou) et édité par Mr Toussaint Louverture, grand shaman littéraire qui nous ouvre les portes de bouquins qui émoustillent un maximum et pour longtemps (fripon).

Vilnius Poker, je ne vous cacherai rien, ça se passe à Vilnius, c'est probablement le seul élément qui ne vous défrisera pas dans le bouzin. Pour le reste, attendez-vous à être ambiancé puis laissez-vous gober, ça va zouker.

Alors, je vous disais, pesant mes mots : super-production, livre-monde, et tout le tralala. N'attendons pas une minute de plus, je vous le démontre.
Georges ! Lancez la bande annonce, je vous prie !

"VILNIUS POKER ! (avec la voix de Sly sur son lit de mort), avec :
De la métaphore botanique :
Nous sommes comme des carottes dans un sillon. Vous n'allez pas me faire croire que les carottes ont un passé ?

De la catastrophe naturelle apocalyptique :
Un unique grondement lointain me rappela que le tonnerre, lui aussi, est pétri de solitude.
Il n'y a que ceux qui ont perdu leur âme qui se laissent épouvanter par leurs démons intérieurs. Il n'y que ceux qui ont perdu leur repère qui prétendent que leurs entrailles sont magnifiques et pures. Tu ne deviendras véritablement un homme que lorsque tu auras réussi à faire se rejoindre les parois de ton enfer et de ton paradis.
Je ne pensais qu'une chose : il est si bon de ne rien comprendre...

Du thriller paranoïaque politique :
Comment expliquer que, partout et depuis toujours, un idiot commande un millier d'êtres doués de raison, et que ceux-ci lui obéissent ? (...) D'où vient ce désir inconcevable de certains individus de noyer dans la merde leurs voisins sous prétexte qu'ils y sont eux-mêmes enfoncés jusqu'au cou ? Comment une société qui n'aurait pas été kanuk'ée pourrait-elle admettre l'existence de la censure dont l'unique but est de nous cacher la vérité ?

Du transgenre féministe :
Curieusement, je n'étais pas attirée par les poupées, mais par les impasses, les ruines et les garçons...

Des super héros tiraillés entre le Bien et le Mal :
Personne ou presque n'arrive à la conclusion évidente que la confrontation entre la lumière et l'obscurité ne peut être gagnée que par la grisaille et le crépuscule. Tant que les éléments fondamentaux existent : le blanc et le noir, Dieu et Satan, rien n'est perdu. La fin advient lorsque tout se mélange, dans un brouillard doucereux, quand personne ne distingue plus rien.
Tu es abattu par l'injustice qui commande le monde ? Regarde bien ce qui est enfoui au plus profond de ton être... S'il y a quelqu'un que tu as le droit de haïr, c'est toi.
De l'injustice et de la souffrance :
(Les apparences sont également Leur invention. Ils tiennent absolument à ce que l'homme fasse semblant d'être quelqu'un d'autre, pour que celui qui n'est qu'un esclave affamé chante un hymne au bonheur et à la satiété. Il ne Leur suffit pas que l'homme se taise, résigné. Ils veulent qu'il chante un hymne à la joie. Le pire, c'est que l'esclave finit toujours par chanter.)

Du survival trash :
Tu devras affronter le Dragon à mains nues. Mais personne ne te promet une princesse ou la moitié du royaume en échange. Personne ne te promet quoi que ce soit.
"Comment fait-on sauter un tank ?" demandes-tu brusquement.
De l'art et des excès :
Année après année, ils avaient investi la musique, la peinture, la philosophie. Je lisais les ouvrages et je voyais la fougue, la fantaisie, la métaphysique disparaître progressivement de la littérature européenne - car un peuple kanuk'é n'exige rien de plus que des descriptions abrutissantes de la vie quotidienne. (...). Ce qui intéresse la foule, c'est le pain, alors la littérature doit représenter le pain. (...). Dès que Hegel, noyé dans l'alcool, a pondu sa dialectique en trois temps, l'Europe a rétrogradé de plusieurs millénaires (...).
"(...). Croyez-vous en Dieu ?
- Non.
- Moi non plus, je n'y crois pas. Et pourtant Son existence ne fait aucun doute, mais je ne vois pas l'utilité d'encombrer mon esprit avec cette idée. Vous fumez ?"

De l'amour pour toujours:
"On devrait se marier, ou quelque chose comme ça, me dit Lolita tout à trac. Nous aurions une vie simple. Le matin, nous chercherions des idées pour le repas. Le soir, après le dîner, nous regarderions la télé. Et tous les jours se ressembleraient jusqu'à ce que la mort nous sépare. Qu'est ce que tu en dis ?
- Je préfère mourir de suite. Je ne suis pas tenté par un suicide aussi lent.
- Il faut bien que l'on se tue d'une façon ou d'une autre. Quand on le fait lentement, cela paraît moins douloureux. Tu ne te rends même pas compte que tu es en train de disparaître."
(...)
"Et je te donnerai une myriade d'enfants. Un millier de petites fourmis qui se multiplieraient à leur tour. Les seuls à qui on puisse faire payer notre vie de misère, ce sont nos enfants - qu'ils fassent à leur tour l'expérience de toute cette folie."


Et un tsunami d'émotions :
A mon sens, c'est le seul sujet possible pour un véritable livre sur cette ville : ce que nous aurions pu devenir, si on ne nous avait pas obligé à être ce que nous sommes."

Voilà. Merci, Georges. Vous pouvez rallumer.

La vérité ? Je dors avec ce livre. Pas moyen de le reposer sur l'étagère. De toute façon, c'est le livre que même quand tu l'as fini, il est pas fini, il s'arrête jamais, il est dans ta tête. Ricardas m'a kanuk'é (comprenne qui lira)(mais pour une fois, je vous promets que ce n'est pas une métaphore anale)(quoique).

samedi 5 mars 2016

Pas dans le cul aujourd'hui (mais peut-être demain)

Etant donné que je me perds dans les 1300 pages de la tour de Uwe Tellkamp, et qu'on n'est pas rendu, je vous propose de faire une pause avec une très jolie lettre d'amour écrite par une poète tchèque et qui s'intitule Pas dans le cul aujourd'hui, titre dont je ne peux que tomber jalousement amoureuse, vous vous en doutez, très chers lecteurs fictifs.
La poétesse en question s'appelle Jana Cernà


et elle a pas rigolé tous les jours étant donné qu'elle vivait sous la dictature coco et qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de faire ce qu'elle voulait (d'une façon générale, ça amène énormément de problèmes)(on se demande toujours pourquoi).

'Honza était un cygne blanc avec une aile blessée, mais avec des yeux splendides, grands, tristes et le coeur d'une poétesse maudite', ça, c'est son pote Bohumil Hrabal qui parle d'elle, nous confirmant ainsi qu'elle a pas rigolé tous les jours mais qu'elle avait du retour.

Et donc un soir, notre poétesse maudite rentre chez elle, n'arrive pas à dormir et décide donc d'écrire ce qui est en somme le plus long sexto du monde à son amoureux qui est aussi un célèbre philosophe qui emmerde le monde,lui aussi (en même temps, à l'époque en Tchéquoslovaquie, j'ai l'impression qu'on avait vite d'emmerder le monde)(c'est à ça qu'on reconnaît les dictatures : les gens se sentent tous emmerdés en permanence).

Son giga-sexto commence comme ça et de facto, je l'aime d'amour : 'Mon amour, mon amour, mon amour, alors c'est comme ça, en deux mots, à ce que je sache j'ai emprunté cette machine à écrire pour produire de quoi subvenir aux besoins des enfants, aux nôtres, bref à nos besoins à tous et me voilà installée devant une lettre d'amour -il y a quelque chose qui cloche quelque part- ou c'est peut-être le contraire et rien ne cloche, sauf que d'un autre côté je suis dans la merde, alors on a du mal à trancher.'

Et ensuite, elle défonce tout, ça te purge le neurone, c'est salutaire en ces temps malheureusement certains :

'Tout ce que j'ai fait dans ma vie et dont j'ai eu honte, je l'ai fait parce que c'était raisonnable. Non merci, sans façon, gardez-moi de la peste, du typhus et de l'esprit raisonnable. Le raisonnable, ce sont les affiches antialcooliques, la gestion d'Etat, les préservatifs et la télévision, c'est la poésie stérile qui sert la bonne cause; pour l'amour du ciel, épargnez-moi le raisonnable, j'ai assez de vitalité pour en supporter plus que n'importe qui d'autre, mais le raisonnable me ferait mourir en moins d'une semaine de la mort la plus triste qui soit, le raisonnable détruit en moi tout ce qui fait sens.'
'(comme il est d'ailleurs bizarre à quel point ce monde irrationnel s'appuie sur sa propre rationnalité)'

'(...) la philosophie érudite sied au terrain académique et aux cerveaux stériles de ceux qui cherchent en elle la justification de leur propre nullité. Quant à la poésie laborieuse, c'est une suante niaiserie destinée aux manuels de classe, propre à exciter les institutrices standardisées dont elle sert à adoucir la destinée, par ailleurs plutôt amère.'

Oui, cher lecteur fictif, nous retrouvons ici la douceur et le bon esprit, l'élégance et le quant-à-soi qui caractérisent notre rédaction. Continuons de ce pas léger à souligner la beauté cristalline de ce doux monde :

'Le diable seul sait pourquoi la plupart de ceux qui s'occupent à produire de la poésie s'imaginent qu'elle doit être utile à quelqu'un, qu'ils en arrivent à cette absurdité d'écrire pour des gens dont ils n'ont rien à faire et à qui ils ne payeraient même pas un petit rhum avec leurs honoraires, mais qu'ils veulent coûte que coûte gratifier de leur production.'

'(...). Car cette incapacité leur vient de leur inculture et c'est un cercle vicieux qui engendre d'autres abominations, comme par exemple cet arrogant sentiment de supériorité et de toute-puissance chez ceux qui s'imaginent qu'ils ont compris quelque chose. Le moindre crétin de base qui a échappé au métier de comptable salarié grâce à un concours de circonstances (et qui donc ne comptabilise pas pour le plus grand bien et le plus grand épanouissement de l'Etat juste parce qu'il est doté d'un fragment de circonvolution cérébrale lequel ne sert à rien, sinon à bourrer cette maxi-tête d'une quantité de connaissances en partie inutiles et en partie inutilisables par la tête en question), le moindre de ces imbéciles croit dur comme fer qu'il lui suffirait d'être aux commandes de la société pour en faire aussitôt "le meilleur des mondes.'

Y'a des littératures qui vous refrisent le cul, pas vrai ?

Et petite cerise sur le gâteau :
Le Conseil Régional du Nord et du Pas-de-Calais a apporté son soutien à la première impression de Pas dans le cul aujourd'hui

Quant aux sources des images, c'est toujours la même : http://miloserdie.tumblr.com/ (sauf celle de Honza que j'ai chopée sauvagement.

jeudi 14 mai 2015

Bang bang, he shot me down.

"Depuis le sommet du Pan de Azucar jusqu'au Picacho, avec leurs plumes noires, avec leurs âmes limpides, les charognards survolent la vallée et ils sont, dans l'état actuel des choses, la meilleure preuve que j'aie de l'existence de Dieu."

Na. Prends toi ça dans la goule. Fernando Vallejo, dans la Vierge des Tueurs est amoureux d'un sicaire (un jeune tueur à gages des Communes de Medellin) et ça cogne, ça bute, ça râle et c'est bien fait pour leur gueule. Et quand on perd tout ce qu'on aime, y'a plus qu'à gueuler. Et quand on a rien à aimer, y'a plus qu'à tirer. On vous a jamais dit que ça serait joli.
Fernando est furieux. On l'aura compris. On n'est pas chez Frederico. Y'a que des balles qui volent. Et même les oiseaux s'en prennent. Pour le reste, on patauge dans la boue noire de la misère urbaine.
Mais Fernando a la grâce des charognards. Il a l'âme limpide de ceux qui savent aimer. Fernando écrit chaque mot avec le coeur gonflé de trop de beauté dont personne ne veut, ça le rend fou.
Du coup, je me suis contentée de les suivre dans les rues de Medellin, lui et son insolent tueur (des yeux à se damner)(qu'il ne vaut mieux pas croiser d'ailleurs), j'avais trop peur de m'en prendre une, ça n'aurait pas raté, faut pas les faire chier, les deux amoureux. Et même sans les faire chier, on sait pas, des fois, une balle est si vite tirée. Mais bien planquée sous ma couette, en sioux, avec le râle obsédant de Fernando qui me rongeait le crâne, j'ai fait un sacré voyage. Un genre de shoot même qu'on en redemande. C'est balaud, pour une fois que je vous parlais d'un bouquin de moins de 300 pages... Et ben, quand c'est beau, c'est trop court. Mais j'ai vérifié, Fernando avait de quoi gueuler, y'en a d'autres.

Vous savez quoi m'offrir maintenant. Et s'ils ne sont pas traduits, vous savez ce qu'il vous reste à faire.
Sinon, je tire.



samedi 18 avril 2015

Le somptueux journal d'un officier de la Wehrmacht

De 1941 à 1945, je me suis promenée en compagnie d'Ernst Jünger dans le Paris occupé et sur le front Russe. C'était divin. Mais comme c'était il y a longtemps et que ça fait 775 pages et que j'en ai corné la moitié, ça m'a pris du temps pour revenir. Mais j'entends encore le bruit des bombes et des bouchons de Champagne. Et je m'endors encore en entendant la douce voix de mon capitaine allemand qui me raconte la chasse aux papillons : "Dans ce profond complexe d'enfers et de paradis, où l’œil ne parviendra pas davantage à démêler les détails heureux ou douloureux que s'il tentait de déchiffrer l'entrelacs chatoyant d'un îlot de forêt vierge, notre planète ouvre à l'esprit un spectacle d'un ordre fabuleux."
Voilà. Je vous présente Ernst. Il est à mi-chemin entre Visconti et Terence Malick. Il tombe en extase devant un pawlowia place des Ternes et en trois pages, il te retourne le cerveau, il te chavire le coeur et il te sert une verveine en réajustant son uniforme (ses bottes sont toujours impeccables).



Mais n'allez pas croire que je me pâme pour l'alter ego de Benoît 6, que nenni ! Ernst, c'est pas le dernier à la déconne et quand il finit son service et qu'on se retrouve en bonne compagnie à la Tour d'Argent (ben oui, faut savoir choisir ses amis en 1941), il s'en paye une bonne tranche, le filou.


 On commence doucement avec quelques anecdotes croustillantes, car, quand on y pense, "le puissant esprit de cabotinage (...) redonne un souffle artificiel à des temps révolus, à des cultures mortes, les amenant à se mouvoir tels des cadavres que l'on évoque". Vous savez ? C'est ce genre de type qui a toujours un truc pertinent à dire même quand on parle de Trierweiller. Mais passons au Bourgogne, je vous prie. Et surveillez ce que vous dites, parce que Ernst et sa répartie, ça canarde comme à Dresde : "Pour vivre, disait-il, il faut travailler, seuls les fainéants meurent jeunes. Je suis d'avis, quant à moi, que pour vivre vieux, il faut rester jeune". C'est là que la soirée bascule.

"L'heure du crépuscule – la nuit s'annonce comme une marée qui, presque imperceptible encore, envoie dans un murmure ses premières vagues en éclaireurs. Des êtres singuliers surgissent avec elle. C'est l'heure où les hiboux apprêtent leurs ailes et les lépreux vont dans les rues."


 "C'est que la souffrance, là, n'existe pas. C'est peut-être la vertu suprême de l'opium : stimuler la force créatrice propre à l'esprit, l'imagination, de telle sorte qu'elle édifie pour soi-seul des châteaux enchantés ; derrière leurs créneaux, on n'éprouve aucune frayeur à perdre les royaumes d'ici-bas, brumes et marécages. L'âme se crée à soi-même les degrés par où rentrer dans la mort." (tu fais tourner la pipe, Ernst ?)

"(…) l'attirance souvent irrésistible de l'alcool n'est pas due à la jouissance physique qu'il procure, mais à sa force mystique. Aussi n'est ce pas par dépravation que l'infortuné a recours à lui, mais parce qu'il a faim de puissance spirituelle. La boisson (...) le mène des lisières du réel jusqu'en son atelier profond. Pour nombre d'hommes, l'étroite zone où ils peuvent respirer un souffle de l'infini se situe aux limites de l'ivresse. Voilà pourquoi se trompent gravement ceux qui veulent combattre l'ivrognerie comme une sorte de gloutonnerie portant sur les liquides."


De même l'éther et le protoxyde d'azote sont mentionnés comme clefs ouvrant à une clairvoyance mystique." Ernst, on y va ? Le taxi est en bas.
Mais deux heures plus tard, c'est l'orgie au quartier général de Vincennes : 


"Comme l'air était criblé d'une pluie dense et tiède, et je voyais le fenouil dans une merveilleuse fraîcheur (en des réseaux d'une extrême finesse, comme en des veines d'émeraude, la sève verte circulait). La vie intime de la plante devenait visible. Ce furent peut être là les instants les plus sublimes en ce monde, plus comblants que l'étreinte de belles femmes (ceux où je me penchais sur un tel miracle de vie". (Ernst, arrête, ils te suivent pas, là, viens, on va se coucher)
Ernst, l'homme qui faisait l'amour aux fenouils. Viva la vida loca à la Wehrmacht. Oh ! Eh ! C'est facile de juger, j'aimerai bien vous y voir, vous, quand votre chef s'appelle Hitler (ou Kniébolo, peu importe) et qu'il a décidé de tout casser comme un gosse sous speed. Et c'est vrai qu'Ernst et moi, on est pas d'accord sur tout, loin s'en faut. Mais c'est pas le genre à détenir la vérité. Et puis, il sait bien, lui, qu'ils vont la perdre la guerre. Comme tout le monde. Parce qu'il sait bien, lui, qui va la gagner. Et y'a pas de quoi crier victoire...

"On voit, en pareille occasion, ce que les hommes peuvent contenir à l'état de germe : le tyran, par exemple, dans le petit comptable, le tueur en série dans le ridicule m'as-tu-vu. Le spectacle est rare étant donné qu'il faut des circonstances insolites pour que ces germes se développent. Chose étrange aussi, que de retrouver des ratés et des littérateurs, dont on se rappelle encore les confuses élucubrations nocturnes, à l'état de maîtres et de dominateurs, obéis avant même d'ouvrir la bouche. Parfois, les rêves qui sont justement les plus flous deviennent aussi la réalité. Du moins Sancho Pança, gouverneur de Barataria, ne se prenait-il pas au sérieux – c'est ce qui plaît en lui."


"La cruauté des temps modernes, disait-il, est unique dans la mesure où elle cesse de croire à quelque chose d'indestructible en l'homme, et veut, par conséquent, au contraire par exemple de l'Inquisition, l'effacer et le supprimer totalement et à jamais."

"Ce type d'homme est sans doute d'un nouveau genre, ou du moins il est nouveau par rapport au XIXème siècle. L'avantage qu'indubitablement ils possèdent est entièrement négatif, et consiste en ceci qu'ils ont rejeté plus tôt que la plupart des autres le bagage moral, et introduit dans la politique les lois de la technique mécanique. Mais cette avance est rattrapée – non point sans doute par l'homme moral, lequel leur est nécessairement inférieur pour ce qui est de l'usage effréné de la violence, mais bien par leurs pareils qui ont suivi leurs leçons. Le dernier des imbéciles finit par se dire : « Du moment qu'il prétend se moquer de tout, pourquoi exige-t-il qu'on le respecte, lui ? »
Voilà pourquoi c'est une erreur d'espérer que la religion et l'esprit religieux rétabliront l'ordre. Les manifestations zoologiques se situent sur le plan zoologique, et les démoniaques sur celui de la démonologie (autrement dit, le requin est saisi par la pieuvre, et le diable par Belzébuth)."

 Au sujet d'allemands qui ont tué 800 aliénés pour récupérer l'asile et en faire un laboratoire : "Un tel trait trahit bien la tendance du technicien à remplacer la morale par l'hygiène, de même qu'il remplace la vérité par la propagande."

"Les doctrines exclusivement économiques doivent nécessairement mener au cannibalisme."

S'ils écrivaient comme ça dans Le Monde, je m'intéresserais à l'actualité.

Avec Ernst, on n'a pas arrêté. On a rencontré Picasso, Braque et Cocteau (Céline aussi mais il n'en ressort pas grandi, je vous préviens). Il m'a raconté l'histoire du pet le plus funeste de l'histoire universelle.J'ai découvert quelle joie il y a parfois à tout perdre, comment régir face à la bêtise, la différence entre un Anglais et un Prussien, j'ai pris des cours de stylistique, j'ai trouvé un pitch de roman toutes les dix pages, j'ai appris l'histoire de la seconde guerre vue des coulisses allemandes, j'ai trouvé le titre de mon prochain roman ("Nostalgie de la distillation"). Et si vous le lisez, vous tomberez peut-être vous aussi sur votre plus belle phrase de tout l'univers, celle qui vous fera presque vomir d'émotions à chaque, mais à chaque fois que vous la lirez (et vous ne saurez jamais pourquoi) :

"Il faut bien savoir ce que le monde peut offrir, pour ne pas capituler à la légère."


Et ça tombe bien, parce que les journaux parisiens de Ernst Jünger, c'est le monde en 700 pages d'une beauté à pleurer.

PS : Toutes les images viennent de là : http://miloserdie.tumblr.com/ (parce qu'Internet sans la Russie, c'est comme Hitler sans Stalingrad, ça serait moins rigolo)

dimanche 25 janvier 2015

"Pourtant la manière dont nous ratons notre vie, c'est notre vie" Randall Jarrell

(Randall, je connaissais pas, il a l'air cool, c'est un poète du sud des Etats-Unis et il était dépressif, tout ce qu'on aime au blog. Cette phrase est en exergue de "Les cent derniers jours" de Patrick McGuinness dont on cause ici)(et non Patrick McMurphy comme j'ai dit précédemment... Woa woa woa ! C'est bon, hein! C'est jamais tout que des stout de pub irlandais au final).

Après Belfast, je vous emmène à Bucarest. On ne parlera pas de l'auteur, j'y peux rien, y'a des livres où je papote avec l'auteur et y'a des livres où il est pas là, je ne sais pas, c'est peut-être ça la question du style. Mais j'ai quand même envie de parler de ce bouquin : il y a vraiment une façon de raconter la vie en Roumanie à ce moment-là qui m'a accrochée. En lisant ce bouquin, j'essayais d'écrire sur mon travail, l'ambiance, les chefs, le ridicule de tout un tas de situations et ce livre me donnait un angle vraiment rigolo, or c'est vraiment dur de rigoler avec le médiocre et l'ennui.
Je ne suis pas en train de dire que la Roumanie à l'époque, c'était le cirque Zavatta, ni que ma vie est celle d'un ouvrier au temps de Ceausescu, je dis juste qu'une histoire éclaire toujours sous un certain angle une autre histoire.

C'est qu'il y a une part tellement forte de ridicule dans la mise en scène du pouvoir, je ne m'en lasse pas : ça commence par ces voitures aux vitres teintées qui traversent la ville à toute allure jusqu'à ces vastes rassemblements forcés où tout le monde doit rester debout à faire mine d'écouter les discours les plus ennuyeux de l'univers. On est entre le rire et les larmes, parce que derrière l'absurde et l'abrutissement, il y a l'abus et la souffrance. Voilà. Il est donc ici question de pouvoir arbitraire, de totalitarisme et de ce que c'est que de vivre en-dessous :"Oui, mon enfance avait été une bonne préparation au totalitarisme : apprendre à savourer les petites permissions, à ne pas attiser l'esprit de revanche ni l'amertume paternelle. Ce n'est pas tout le monde qui choisit la Roumanie de Ceausescu pour faire sa première expérience de la liberté."

A propos de la surveillance permanente : Patrick raconte qu'après avoir réalisé qu'il était sur écoute, suivi dans la rue (comme quasiment tout le monde à cette époque), il s'est mis à se surveiller lui même, en train de se faire un café, de prendre sa douche, etc. "La surveillance a cet effet : on cesse d'être soi pour vivre à côté de soi. La nature humaine ne peut être changée, mais on peut l'amener à un degré de conscience qui la dénature. Ainsi, je projetais sur la rue indifférente le sentiment de culpabilité et de dissimulation qui m'avait soudain envahi."

A propos de la persécution : "La première loi d'une bonne purge, c'est qu'elle doit être aléatoire; la deuxième c'est qu'elle doit aboutir à une promotion qui dresse les prétendants les uns contre les autres pour qu'ils ne se retournent pas contre le système; la troisième c'est que les gens doivent user plus d'énergie à tenter de comprendre la raison d'une éviction qu'à protester contre son injustice.
A propos de la propagande : "s'ils y croyaient, ils seraient idiots, mais au moins ils croiraient à quelque chose. Leur capacité à croire serait toujours là, toujours utilisée, pas en train de crever, bouffée par l'ironie et le cynisme."


A propos de la dépression qui s'immisce en chacun : "On vous donnait la solitude à la place de la vie privée, la foule au lieu de la communauté, la reproduction en guise de sexualité."
A propos des dictateurs et de leur entourage : Ceausescu était entouré de brutes, de frustrés, de fascistes persécuteurs de Juifs, etc. "On prétend que l'Histoire fait les gens qui font l'Histoire... viendra l'heure, viendra l'homme, et toutes ces conneries. Tu parles. L'Histoire rampe sur le ventre et chope des parasites..."

A propos de l'idéologie/la justification : "Selon Marx, l'Histoire est une grande force animée par la logique et la nécessité, à laquelle on peut se préparer et que l'on peut enfourcher, mais que l'on ne peut précipiter. [...] Comme la religion qui autrefois promettait compensation et récompense dans l'au-delà, le marxisme nous offrait un perpétuel prélude en guise de vie. Il était courant d'invoquer le long terme ici [...] mais l'Histoire n'avait pas de plan à long terme pour ces gens-là. Elle n'était pas en train de résoudre ses noeuds dialectiques sur plusieurs générations afin de parfaire les conditions de son accomplissement. C'était l'Histoire-chronomètre : on l'entendait dans leur dos, qui mesurait le temps qu'il leur restait."
(éclairant, non ?)

Il y a un personnage qui prend vraiment de la matière et de la présence, c'est Léo, splendide mondain alcoolique, roi de l'embrouille un tantinet misanthrope et dépressif, mais acharné désespéré et drôlissime, bref, ma came. Apparemment, il avait été beau et promis au plus bel avenir mais "Rien à voir avec le Leo dont les traits fondaient et s'estompaient, les joues flasques et l'air décadent, tantôt fin gourmet et amateur de bons vins, tantôt dépravé qui avalait le jus de caniveau cul sec : le Leo d'aujourd'hui dont la vie n'était que péripéties secondaires, sans intrigue principale." Ce qui m'amène à réaliser deux choses : ce qui fait un bon personnage et le fait que, personnellement, dans la vraie vie comme dans la fiction, je trouve les intrigues secondaires beaucoup plus captivantes que la principale (Bisous les séries).
Mais continuons sur Léo (c'est avec lui évidemment que j'ai envie de m'arsouiller le groin) : "Pour Leo, le plus grand crime que l'on puisse commettre en société était de l'entraîner dans une discussion sérieuse".

Leo a aussi ce truc unique : il est adepte d'animisme urbain. Tout ce que Ceausescu a pu détruire dans la ville est documenté par Leo, il y sent des présences, il parcourt la ville avec des plans qui datent de plusieurs décennies (c'est avec lui évidemment que j'ai envie de faire du vaudou).

Enfin, au sujet de l'inaction, thème qui nous émeut toujours beaucoup ici au blog, ces lignes proprement scandaleuses (d'autant plus qu'elles sortent de la bouche d'un diplomate)(hihi) : "Jeune homme, il y a deux sortes de problèmes diplomatiques : les petits et les grands. Les petits se résoudront d'eux-mêmes et vous n'aurez aucune prise sur les grands. Les réelles difficultés qu'il vous faudra surmonter viendront de la tentation d'agir. Il s'agira d'y résister noblement : c'est ainsi que vous ferez vos preuves." et celle-ci : "Mais mes erreurs m'apprenaient seulement à en commettre d'autres en connaissance de cause. Chez moi, la prise de conscience n'était jamais qu'une inertie lucide."


Pour les images, bisous et crédits à http://www.imposetonanonymat.com/ (attention, âmes sensibles, je vous aurai prévenues) et à http://fl4nders.tumblr.com/