Et Quelquefois j’ai comme une grande idée est un gros livre.
Et c’est
tant mieux parce que je n’ai aucune envie de le terminer. Quand j’étais
petite et qu’on nous payait une viennoiserie, je prenais toujours un
chausson aux pommes que je dégustais à micro-bouchées pour qu’il dure le
plus longtemps possible parce que je savais qu’on ne retournerait pas
de sitôt à la boulangerie. Et Quelquefois…, c’est pareil. Je voudrais
que le temps suspende le vol des oies parce qu’on est trop bien à se
rouler dans ces pages où résonnent les flots ravageurs de la
Wakonda-Auga et les vociférations de Henry Stamper, dans ces pages qui
s’égarent au gré de l’enfance perdue de Leland (FAIS GAFFE !), dans les
forêts humides de l’Oregon et dans les esprits de Jenny l’Indienne, ces
pages qui, avec l’indestructible ( ?) force virile de Hank Stamper
avancent inexorablement vers… (je ne veux pas le finir !), ces pages qui
s’octroient mille détours indispensables dans les sous-bois de chaque
personnages, qui décrivent la naissance de cette absurde obsession
qu’est l’amour, l’histoire d’une famille de bûcherons qui à l’image d’un
pays se déploie avec fracas, déchirements, violences et quelques
tendres rires (bisous Joe Ben). Dans ces pages grondent aussi les
machines économiques qui, quelques soient leurs promesses, continueront
sans cesse à rouler des espoirs fébriles du jeune stagiaire aux
frustrations gastriques d’un ponte syndical jusqu’à l’écho des
bouteilles sans cesse vides du coupeur de billots (mais de quoi ont-ils
tous si peur ?), ces pages qui vous malaxent le cœur sans égards parce
qu’elle est belle mais ô combien fratricide la lutte des Stamper pour
survivre à la plastification Dupont de Nemours. Je ne sais pas où va ce
bouquin, et pour tout vous dire, ça m’est bien égal, je me balade, je
m’arrête partout, je m’empiffre de pommes caramélisées, je me soûle au
Snag, je chasse l’ours, j’écime des sapins et j’espionne les habitants
de Wakonda. Mais j’entends la rivière monter et je sais bien que je
n’échapperai pas à la fin.
Kesey, c’est comme Exley,
c’est des shoots inoubliables.
Vous êtes un redoutable dealer
littéraire, Monsieur Toussaint Louverture, je vous supplie de ne jamais
vous arrêter. J’ose pas imaginer l’émotion à l’issue de la traduction et
de l’édition de Et Quelquefois j’ai comme une grande idée parce que
c’est un travail énorme, c’est somptueux, c’est une cathédrale. Après
ça, vous pouvez mourir tranquille.
Merci infiniment.
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