mardi 14 décembre 2010

So come on in, it ain't no sin, take off your skin.

Alors attention, ce post est une nouvelle tentative. Nous sommes toujours prêts à de nouvelles aventures sur le blog cool et celle-ci n'est pas des moindres. Nous allons ergoter ensemble sur des sujets très sérieux issus d'un livre qui ne l'est pas moins. Et qui plus est, que je n'ai pas fini de lire. Je ne me tiens cependant plus d'impatience de vous le faire découvrir, chers amis lecteurs fictifs. Il s'agit d'un bouquin intitulé L'Atlantique Noir, Modernité et Double Conscience de Paul Gilroy. Rien que ça. Le chômage aidant, n'ayons plus peur de l'intelligence, à moins que ça ne soit que de l'intellectualisme. Et alors ?



Pour tout vous dire, il raconte tellement de trucs avec des tas de mots compliqués que je me refuse à les résumer. Mais comme à mon habitude, je citerai car un auteur n'est jamais mieux servi que par lui-même (et par ses lecteurs). Et pour aller encore plus loin (je vous l'ai dit, c'est post de malade), je vais faire de la méta-citation, soit Gilroy citant Du Bois (sociologue, éditeur et poète africain-américain des années 70) :

"Le Noir américain sait cela : son combat ici est un combat à mort. Soit il l'emporte, soit il mourra. S'il l'emporte, ce ne sera pas par un subterfuge ou par la dérobade de l'amalgame. Il entrera dans la civilisation moderne, ici, en Amérique, en tant qu'homme noir selon une égalité parfaite et sans limites avec n'importe quel homme blanc, ou il n'y entrera pas. Soit l'extermination totale, soit l'égalité absolue. Il ne peut y avoir de compromis. C'est la dernière grande bataille de l'Occident."
Et Gilroy de rajouter (nous avons débattu longuement hier sous ma couette) : "... l'expérience de la traite et de la plantation, était un élément légitime de l'histoire morale de l'Occident dans son ensemble. Ce n'était pas des évènements uniques -des épisodes isolés de l'histoire d'une minorité- qui pouvaient être compris à travers leur impact exclusif sur les Noirs eux-mêmes, pas plus que des aberrations par rapport à l'esprit de la culture moderne vouées à être dépassées par le progrès inexorable vers une utopie laïque et rationnelle. La persistance du racisme a démenti ce verdict... En d'autres termes, la critique de l'idéologie bourgeoise et la réalisation du projet des Lumières sous la bannière de l'émancipation de la classe ouvrière doivent être complétées par un autre combat - dont l'objet sera de formuler une critique rédemptrice du présent à la lumière de la mémoire du passé esclavagiste."



Personnellement, cette idée m'a mis en transe, parce qu'on peut aussi remplacer esclavagisme par colonisation et comprendre que l'immigration n'est pas un problème annexe, celui des immigrés, mais un développement logique de notre société du progrès économique, démocratique, blanche. Et qu'en tant que développement logique, il ne se résoudra pas avec le progrès tel qu'on le soit, il continuera.
Et avant aussi, il rappelle l'histoire d'Hegel ("qui situe à raison l'esclavage à l'origine de la société moderne"), mais si, vous savez, les deux types qui se battent, y'en a un plus fort et un plus faible et le faible se soumet au fort pour pas mourir. Et si si, figurez-vous que c'est ce genre d'idée qui fonde la légitimité de nos états. Et bien des types qui ont été esclaves mais qui ont pu écrire des livres par la suite, notamment un certain Douglass, explique que pour lui, c'est une expérience inverse. Il s'est rebellé contre son maître qui était vraiment cruel, ils se sont battus, Douglass ne voulait tellement plus être esclave qu'il était prêt à mourir plutôt que de se rendre. Le maître a fini par le laisser partir. Mais plein d'esclaves ont préféré mourir, et même des mères ont préféré tuer leurs enfants plutôt que de les laisser vivre en esclave. Gilroy de rajouter avec véhémence (il a failli renverser ma tisane) : "Chez Douglass, c'est l'esclave et non le maître qui émerge en possession d'une conscience existant pour elle-même (je préfère mourir), tandis que le maître apparaît comme le représentant d'une conscience réprimée à l'intérieur d'elle-même (je suis le maître, l'esclave doit se soumettre)".



Bon, je m'emballe et s'il a fallu tout un bouquin pour expliquer tous ces trucs, c'est probablement parce qu'en un post, c'est pas tout à fait possible. Mais j'aime bien les bouquins qui font du rubicube avec mon cerveau et qui m'élargisse le coeur, surtout que là, je commence le chapitre sur l'histoire de la musique, dans une culture où l'art pré-existe et sous-tend toutes les autres questions, où non, ce n'est pas un luxe qui vient après avoir bien travailler pour pouvoir payer son loyer, mais un langage fondamental pour savoir qui on est et qui on est avec les autres. Que Descartes aille se faire foutre, je rêve ? Je chante ? Donc je suis.

(Un instant, je vous prie, je me ressers une tisane)

Ah oui, et aussi dans l'introduction, il nous parle des pirates, à l'origine et même ensuite, il y avait beaucoup de Noirs, n'en déplaise à Johnny Depp. Alors on en reparlera quand il s'agira que je vous fasse un petit topo sur les pirates des mers et de l'informatique...

Bref, mes amis, il est temps de partir à l'assaut des vaisseaux du progrès et de la raison, il y a mieux, il y a plus grand ! A coeur vaillant rien d'impossible ! Osons les couleurs chamarrées de l'inconnu ! Laissons nous enfin prendre par tous ces inconnus que nous n'avons peut être pas fait venir jusqu'ici que pour ramasser nos poubelles...