samedi 14 septembre 2013

Braquage et suicide (je me lance dans une série de titres glam')(demain : guerre et solitude)

Revenons à la littérature, ça ira tout de suite mieux. Aujourd'hui, ce sera Roberto Arlt, je suis quasiment sûre de vous en avoir déjà parlé mais je n'irai pas vérifier, la vie est trop courte et je ne voudrai pas manquer l'apéro.

Roberto est un type qui était probablement insupportable au quotidien (on retrouve là la marque des grands auteurs)(c'est pourquoi cette année je vais travailler mon côté odieux)(tas d'ordures). Il raconte des histoires d'aliénés, d'humiliés, de grands rêveurs, de flamboyants marginaux, ce qui est toujours un bon moyen de péter l'ambiance régnante. Evidemment, ici au blog, on aime (je dirige un blog)(absolument).

Et puis, surtout, il me donne bonne conscience avant le prochain post qui va probablement me faire perdre tout le peu de considération qu'il me reste en ce bas monde, je vous parlerai d'un académicien gaulliste et je n'aurai plus la moindre crédibilité, je serai la lie des blogs, une sous merde connectée, un rat du réseau, un bubon littéraire, etc., etc.

Mais revenons à notre Roberto, son premier roman "Le jouet enragé" dans la très jolie édition Cent Pages qui m'a donné bien du plaisir, je ne vous le cache pas, cet été, dans les parcs montréalais (où je souhaite me réincarner en écureuil)(ils sont des milliers avec leur gueule d'adorables clochards arrogants)(ça m'a l'air plus cool que coyote)(mais avec l'âge, je perds en courage et en fierté et en sauvagerie, c'est vrai)(je compenserai en devenant aigrie et putassière, c'est promis)(tas d'ordures).

Il raconte des gamins qui veulent devenir des caïds, des super-héros de la pègre et qui finiront par se faire baiser par des patrons qui puent le pipi. Ils vont donc s'enfoncer dans l'humiliation, être torturés par des sursauts d'espoir, giflés par les grands rêves déçus, bref, tout ce que j'aime. En outre, bien sûr, Roberto me fait bidonner car Roberto le sait, il faut rire tant qu'on tombe de peur de s'être écrasé sans avoir ri.

"Alors je rêvais d'être un bandit et d'étrangler des corrégidors libidineux; je redresserais les torts, protégerais les veuves et serais aimé de singulières demoiselles. Pour ces aventures de la prime jeunesse, il me fallait un compagnon, et ce fut Enrique Irzubeta. C'était un vaurien que j'entendis toujours coiffer du sobriquet édifiant de "Falsificateur". Voilà comment s'établit une réputation, et comment le prestige seconde le débutant dans le très louable art de berner le profane. (...) Mais les dieux ont le coeur madré, et je ne suis pas surpris, en rédigeant mes mémoires, d'apprendre qu'Enrique est logé dans un de ces hôtels que l'Etat met à la disposition des audacieux et des coquins". Tout est dit, non ?

Alors, oui, pardon, corrégidor = genre de shérif de l'ancienne Espagne et madré = qui se donne des airs cools mais qui en vrai est une grosse pute (bisous les dieux)(tas d'ordures).

Il fait des portraits édifiants (j'adore ce mot, merci Roberto) en une seule phrase qui provoque des tonnerres d'applaudissement mentaux (chez moi en tout cas...) : "Le lieu de nos retrouvailles était toujours l'arrière-boutique d'un plombier, un gros Cacaseno benêt à figure lunaire, d'âge avancé, à la panse et aux cornes abondantes, car on savait qu'il tolérait avec une patience franciscaine les infidélités de son épouse. Lorsqu'on l'amenait à reconnaître indirectement sa situation, il répliquait avec une mansuétude pascale que son épouse était malade des nerfs, et face à un  argument d'une telle solidité scientifique, seul le silence était de mise."

Et quand ils cambriolent une bibliothèque (oui, oui, une bibliothèque !) : "Jubilant d'étouffer le péril par nos gifles de bravoure, nous aurions aimé l'accompagner avec la clarté d'une fanfare et la joie tapageuse d'un tambourin, réveiller les hommes pour montrer quelle allégresse grandit nos âmes quand nous brisons la loi et entrons en souriant dans le péché." (que voulez-vous ? Rien que de relire ça, je trouve enfin un peu de consolation à l'idée que lundi, il faudra que je retourne à la Défense pour caqueter dans les open space en attendant la fin)(je peux fermer les yeux et dévaliser une bibliothèque quand je veux)(bien sûr que je me plains à nouveau, je ne suis pas un robot à sang bleu, moi ! -bisou, le dernier pub avant la fin du monde-)

Roberto, il m'a aussi appris des mots cools, par exemple des yeux "chassieux", pour dire des yeux qui suintent du blanc dégoûtant dans les coins, cool !

Il y a aussi la description de don Gaetano, c'est deux pages, je ne vais pas vous les recopier (je voudrais pas faire déborder vos yeux chassieux)(tas d'ordures), mais promis, c'est que du bonheur, c'est vraiment un chic type, ce Gaetano, pas du genre à se faire avoir par un marchand de moules.

Et puis, évidemment ça rigole moins, mais ça, ça me laisse bouche bée : "... et cette gigantesque démonstration de pouvoir et de richesse, de marchandises entassées et de bêtes trépignantes suspendues en l'air me saisissait d'angoisse. Et je parvins à l'inévitable conclusion. C'est inutile, je dois me tuer. Je l'avais vaguement prévu. Déjà en d'autres circonstances, la théâtralité des deuils qui accompagnent le catafalque d'un suicidé m'avait séduit par son prestige. J'enviais les cadavres sur lesquels sanglotaient de belles femmes, et à les voir penchées au-dessus des cercueils, ma masculinité se trouvait douloureusement exaltée." (catafalque, c'est l'estrade du cercueil, the death stage en somme).

Sérieux, vous aviez déjà lu un truc pareil ???

(pas d'image aujourd'hui, vous êtes punis)(tas d'ordures)