vendredi 27 avril 2012

Et aussi, la concordance des temps dans le discours indirect

ça y est, j'ai reçu la feuille des voeux d'affectation de l'Education Nationale. Ils ne proposent pas la Nouvelle Orléans. Je sais plus qu'est ce qui faut faire.
En attendant, je note pour pas oublier les trucs qu'il dit Tristan Garcia, un nounours qu'on a envie de se rouler dedans pendant qu'il s'interroge sur le rapport entre les objets (oui, j'ai la philosophie tactile, j'en peux rien)

"Et puis il m'a semblé que le moderne était celui qui se forçait à la tristesse et le contemporain celui qui se forçait à la joie"

"Et je sens bien que je travaille dans mes romans à saper les fondements de ce que j'essaie de penser en philosophie. (...). Je me suis aperçu que mes deux premiers romans étaient, malgré moi, consacrés à l'effacement des genres (l'homosexualité, le queer) et à l'effacement des espèces (un singe qui parle)."

"En littérature, je suis attiré par des personnages mauvais, faux, fous, irrationnels, par des corps qui parlent sans souci de la vérité (...)"

"Avec la théorie et la littérature, j'ai ce genre de croyance et de superstition : si je parvenais à théoriser, à conceptualiser ce que j'essaie de raconter, je n'arriverais plus à écrire un seul mot. Et pour que ça marche, je préfère ignorer comment ça marche."

Y'm'détend du stylo, le père Garcia, fô bien l'dire.

Et je trouve aussi ça très réjouissant (sisi) de comment qu'il parle de la mort (rappport au fait que celui qui y pense ou celui qui y pense pas, c'est kif kif bourricot, alors que tous les classiques, ils se la pètent que comme ils pensent, ils écrivent des livres et tout et tout, ils transcendent leur mort. Même pô vrai. Et toc.)

"Ainsi, la mort est l'exposition d'une égalité : il est égal que je pense à la mort ou que je n'y pense pas, il est égal que je croie à l'immortalité ou que je n'y croie pas."

"[La pensée] ne nous rend pas immortel -contrairement à presque ce que toute la tradition philosophique a voulu proclamer. Et accéder à cette platitude, penser sans croire à la puissance salvatrice de la pensée, c'est comprendre le monde - le lieu où rien n'est plus qu'autre chose. Ce n'est, je crois, que sur le fond de ce monde indifférent et plat qu'on peut vivre, c'est à dire retrouver du plus et du moins, des valeurs morales et politiques, des intensités, de l'amour pour ce qui importe, de la haine, de la joie, des affects; la platitude, c'est l'enfer que la pensée doit traverser, comme on traverse une dépression, pour retrouver le sens d'une vie."

mercredi 25 avril 2012

Du bruit, de la fureur et des chaussettes

Je suis dépucelée de l'isoloir depuis dimanche. Bon, au début, j'étais contente : je ne vais plus me faire engueuler, maintenant, on ne me dira plus, si LePen il passe, c'est de ta faute, on ne me dira plus, t'as pas honte, après tous les gens qui sont morts pour que tu puisses avoir le droit de vote, enfin, bref, voter, ça faisait vachement de charges en moins dans mon dossier, je n'étais plus Hitler, j'étais Superman, y'avait de quoi être contente. J'allais ensuite regarder 'La vie de Brian' chez le Zappatiste en bouffant des saucisses, rassurée quant au sort du monde.


Surtout, j'ai soudain réalisé que : "Comme ceux qui l'ont précédé, le nouveau Président ne pourra trancher dans le vif. Du haut de la pyramide de la V° république, il n'aura jamais accès au bouillonnement de la base mais devra en permanence composer entre des corps institués aux intérêts contradictoires, caciques influents et organismes jaloux de leur parcelle de pouvoir. Aussi moderne sera-t-il, a priori, c'est bien sa fonction qui fera de lui un vieil épouvantail bleu blanc rouge." (Ariel Kyrou dans le dernier Chronicart sur l'Intercannette, que je vous recommande chaudement, ça donne des idées, de l'envie et de l'espoir, tous ces trucs cools qui existent partout sauf à la télé et en politique).

J'ai soudain réalisé que c'était idiot de reprocher aux politiques de ne pas être capable de changer nos vies : je suis bien contente que ma vie soit mon problème et ma responsabilité, plus que la leur (c'est pas ça, au fait, la démocratie?).
J'ai réalisé aussi que cet été, j'avais écrit ça (oué, je m'auto-cite maintenant. ranafoute) :
 
"Les forts ont toujours tort, ils sont d’une platitude navrante : des gros blancs autour d’une table en train de signer des traités, leur rapport avec le reste du monde c’est de leur demander du fric, de les faire bosser, de les éduquer, et de les envoyer à la guerre, y’a pas d’histoire en politique, tout se répète tout le temps mais ils continuent à nous faire croire qu’ils font l’histoire, c’est sans doute une de leur plus grande supercherie. Ils n’ont jamais rien changé au monde, ils se sont toujours contentés de suivre les bonnes idées évidentes qui existaient déjà des années avant eux. Ils pensent qu’ils sont à l’origine des choses alors qu’ils n’en sont que le plus simple aboutissement : les politiques sont les exécuteurs de l’histoire, ce sont les exploités des illuminés et des fous, ce sont les prolétaires de la grande humanité, d’où leur régulière méchante aigreur qu’on parvient mieux à leur pardonner quand on sait tout ça. Des années de travail et de lutte pour obtenir le pouvoir et se rendre compte alors de l’insignifiant et délébile individu que l’on est, y’a de quoi vouloir mettre des gens en prison pour prouver qu’on existe, non ?"

Pour le dire autrement, c'est pas De Gaulle qui a fait la résistance, c'est la résistance qui a fait De Gaulle.

Bref, voter m'a soudain paru beaucoup moins dramatique qu'il n'y paraissait au départ, l'enjeu devenait pour moi de changer le bruit de fond, celui qu'on a depuis 5 ans me lasse profondément, faut bien le reconnaître.

Et oui, y'a des tas de gens qui meurent en Syrie ou ailleurs pour ... ? Pour avoir le droit de voter pour Cheminade ? Ou pour avoir le droit de se rencontrer, de réfléchir, de changer, de trouver le meilleur moyen de bouffer, d'aimer qui on veut, comme on veut, etc. ? On meurt pas pour pouvoir voter pour Hollande, Le Pen ou Eva Joly. On meurt pour avoir la possibilité de choisir sa vie, on meurt quand on a plus que le seul choix de ne pas vivre ou de mourir. La démocratie jusqu'à preuve du contraire est simplement l'endroit où c'est le plus possible. Quand je choisis de vivre une vie qui corresponde mieux à mes valeurs, de changer de travail, de prendre des risques, de ne pas me marier ou faire des enfants parce que c'est mon choix, de lire toujours plus et de changer d'avis toujours plus, je fais plus que mon devoir de citoyen, je fais l'être humain. C'est ce que je dois à la vie, à ma chance, à moi-même et aux autres (ne serait-ce que parce que, du coup, je les fais bien moins chier). Plus, bien plus encore, que de voter.

Bon. Et 20% au FN : "Horreur ! 20% de la France est raciste et xénophobe !" "Au secours !" "J'ai peur!" "Bandes d'incultes dégénérés ! " "Et dire que leurs enfants aussi !", etc... Remplacez "sales fachos" par "sales bougnoules", et au fond, la France n'est pas si divisée que ça.
20% de racistes ? Proportion de racisme dans l'humanité ?  Ton racisme à toi ? Un enfant blanc qui n'a jamais vu de noir, que fait-il (ou un jaune de blanc ou un schtroumpf de mariachi, etc...)? Il se fait caca dessus.

Donc ? En s'insultant mutuellement, on obtiendra un régime basé sur la haine de ce qui est différent de moi (le FN ou l'Arabe)(ou les financiers)(ou les gauchistes utopistes et profiteurs)(etc.) et on sera bien avancé, vu qu'on savait déjà ce dont on est capable de ce point de vue-là (oui, moi aussi, toi aussi, lui aussi). Or la démocratie, au delà du vote, c'est aussi choisir de vivre ensemble même si je ne peux pas piffrer mon voisin et que ça ne risque pas de changer.

Si on pouvait seulement parler d'autre chose que du connard d'à côté, ça nous changerait.

On pourrait, je sais pas moi, parler de maisons en paille, de lamas travestis, de valise-satellites, de vaudous, de sushis, de comédies musicales, de canaris albinos, des avatars de Justin Bieber, de craquettes à l'air, du hip-hop à Dunkerque, du goûts des chaussettes, des soirées 'Métastases et Sirtaki', des pingouins skaters, etc... (c'est pas comme si ça manquait, les occasions de se bidonner)(la vie est courte, même en démocratie).