samedi 13 décembre 2014

L'amant de Lady Chatterley, DH Lawrence (dit DH)

Pour compenser la belle gueule irlandaise, je vous propose aujourd'hui de parler d'un anglais pédé et mort, ça nous calmera les muqueuses à tous (bon, en vrai, il était pas vraiment ou bien un peu pédé, ou moitié moitié, un genre de bi, un peu comme Virginia Woolf, qui était un peu pédé aussi mais pas que). Je parle ici du sosie de Lambert Wilson, j'ai nommé DH Lawrence.

Nous retrouvons ici cette délicieuse coutume anglaise qui consiste à appeler les gens par la première lettre de leur prénom (oui, et dans Gossip Girl aussi, xoxo). Pour ne pas le contrarier, nous l'appellerons donc DH et il nous appellera AL, on va pas faire de manière et puis c'est l'heure du thé (ah oui, parce que DH, c'est pas un qui carbure à la picole, à peine un petit fond de Sherry Brandy le soir après le dîner). Nous citerons principalement le bouquin sus-dit. On a su lire Fils et Amants mais on n'a pas corné à l'époque, on va pas se le refaire (sa mère risquerait de tirer la gueule).

Alors, DH, ce qui lui plaît most of all, c'est la nature, les myosotis dans les poils de couilles, la rosée du matin, les gros culs et l'explosion spontanée du bourgeon au printemps. Perso, je vais le mettre dans la même case que Tolkien (parce que je refais l'histoire de la littérature anglaise si ça me chante), à cause que pour lui aussi, l'industrie, le monde moderne et tout le pataquès du progrès scientifique, c'est grave Mordor (mais si, le borgne en forme de montagne qui fume tellement qu'il parle comme Amanda Lear). Sinon, aussi, il était pote avec Aldous Huxley (ils s'échangeaient leur marque de brillantine en se promenant dans le parc après le déjeûner), le type du Meilleur des Mondes (mais si, avec les gonzesses qui sont toutes pneumatiques) alors vraiment, l'industrie, le capital et les communistes, ça lui fout la haine. Et moi, dès qu'on casse du chantre de la productivité, je clap clap clap.
DH, il préfère faire l'amour dans les bruyères devant des poussins. Il pense que y'a un moment, faut arrêter de penser car à trop causer, on finit par dire des conneries, alors que se mettre des gens dans le cul, sûr que ça peut pas être une connerie. Y'a pas à avoir mauvaise conscience parce qu'"il savait que la conscience n'est, le plus souvent, que la peur de la société ou la peur de soi-même."

D'ailleurs, et là, moi je le recolle à côté de Tolkien au fond à gauche, il a un peu ce truc de divinité païenne, JRR, il aimait bien les vieilles histoires et les vieux dieux qui se tapaient les vieilles déesses, ou les elfes, c'est pareil franchement, et DH, lui, il est pas loin de se prosterner devant le dieu zizi (qu'il appelle Phallos ou pour les intimes Sir John Thomas)(la chatte, elle, c'est direct Lady Jane, elle a pas droit à un nom de scène en latin). Bon, et comme vous le savez, au blog, les multi déistes, on kiffe.
Quotons : "Non, mon coeur est aussi inerte qu'une pomme de terre, mon pénis pend et ne lève jamais la tête, j'aimerais mieux le couper net que de dire "merde" devant ma mère ou ma tante, qui sont de vraies dames, remarquez le bien; et je ne suis pas réellement intelligent. Je ne suis qu'un adepte de la vie mentale. [...] Le pénis lève la tête et dit bonjour à toute personne vraiment intelligente. Renoir disait qu'il peignait des tableaux avec son pénis; et c'était vrai, et quels tableaux ! Je voudrais bien faire quelque chose avec le mien." (plutôt bidonnant, DH, pour un type qui boit que du thé, non ?)

Et pour ceux qui seraient curieux d'en savoir plus, ça voudrait dire que Renoir, il sait faire ça avec son zguègue :



Alors, les féministes à l'époque ne seront pas d'accord avec nous, mais comme on ne cherche pas à avoir raison au blog, c'est pas grave, toujours est-il qu'on trouve que DH, il sait faire dire des trucs aux gonzesses, je veux dire, pour un type de son époque, c'est tout de même grande classe, on en connaît dans les hémicycles qui sauraient en prendre de la graine, et ils sont pas encore morts, eux. Juste un quote pour illustrer : "Je veux dire que, sauf par vous, je ne suis absolument rien. Je vis pour vous et pour votre avenir. Je ne suis rien par moi-même.' Constance l'écoutait, avec toujours plus de contrariété et de répulsion. Ce qu'il disait était une des abominables demi-vérités qui empoisonnent l'existence humaine. Un homme dans son bon sens pourrait-il dire de telles choses à une femme ? [...] Quel homme doué d'une parcelle d'honneur mettrait sur le dos d'une femme cet abominable fardeau de responsabilité, et la laisserait là, dans le vide ?" (Merci DH)


On l'aime bien aussi quand, dans la préface, il se fout de la gueule de Jonathan Swift (Gulliver et les minipousses, tu sais ?) qui dans un poème désespéré à propos de sa meuf Celia, réalisait dans un spasme d'horreur qu'elle chiait. Alors, ça, DH, ça le fait s'écrouler de rire très fort.

D'ailleurs, là, je vais vous citer son essai Pornographie et Obscénité, parce que ce passage à propos de la censure du cul, il fait du bien comme un bon gros caca, vous allez voir :
"Nous nageons, je le répète, en pleine idiotie. Si le mensonge de la pureté et du ce-que-vous-savez dure encore un peu, la masse de la société deviendra idiote pour de bon : idiote et dangereuse sur ce sujet. Car le public n'est jamais constitué que d'individus. Chaque individu est pourvu d'un sexe, est rivé à son sexe. Si, à force de pureté et de vilains petits secrets, on condamne chaque individu à la masturbation et à l'auto-enfermement, et si on le maintient dans cet état, on produira une société d'idiotie généralisée. Car la masturbation et l'auto-enfermement produisent des idiots. Peut-être quand nous serons tous idiots, ne nous en apercevrons-nous plus."

Et quand il est colère, DH, il sait bien insulter les gens (et ça lui est arrivé pas mal, vu que les censeurs lui ont bien cassé les nouilles). Comme on vous l'a déjà dit, au blog, on trouve que la littérature sert à défoncer la gueule des casse-nouilles aussi, je quote : "Comme pour beaucoup d'insensés, on pouvait mesurer sa démence au nombre de choses dont il n'était pas conscient, aux grands espaces désertiques de sa conscience" (dans ta face, Clifford !). Et puis, il a des éclairs de génie :"La noblesse partait pour des lieux plus plaisants où elle pouvait dépenser son argent sans voir d'où lui venait cet argent." Et aussi, des fois, je sais pas, c'est comme des montées de théine, il s'emballe, à un moment par exemple, il se met à souhaiter que tous les hommes s'habillent en collant rouge avec une veste blanche qui y laisserait voir le cul. Même qu'il pense qu'à partir de là, les femmes pourront bien s'habiller comme elles veulent...

...

Je vous laisse finir la théière, David Herbert ?



mardi 9 décembre 2014

EUREKA STREET, de Robert McLiam Wilson (alias Bob)

Salut. On va faire un tour à Belfast ? Je te préviens, tu y poses un pied et 545 pages plus tard, tu veux plus jamais partir. C'est que ce bon vieux Bob, c'est un sorcier de pub, faut se méfier. Il commence tranquillou en contemplant son chat dans la lumière matinale : "J'ai cligné des yeux devant tous les oiseaux de Belfast dans l'immense ciel de Belfast. De l'autre côté de Lisburn Road, une minuscule femme de ménage a lancé quelques ordures par la porte du restaurant indien huppé. Une bande de chats a jailli de nulle part pour se mettre à table. J'ai reconnu le mien, il se défendait très bien face à ses congénères. C'était le gros sans testicules. J'ai songé à l'appeler pour son petit déjeûner, mais j'ai décidé de ne pas le déranger. Je n'aimais pas particulièrement mon chat. Il jouait un peu trop les putes."

(oh merde, je viens de chercher une photo de lui et au lieu de la salle vieille gueule de poivrot irlandais à laquelle je m'attendais, je tombe sur ça :
C'est quoi ce souk ? Si les bons écrivains au lieu d'être vieux, moches et morts, se mettent à avoir une belle gueule, je fais comment moi ??? Ah non. Mince. Même Levi-Strauss, il l'a dit, faut respecter les tabous ! On rêve pas de se taper un grand écrivain, voyons ! Foutue société de l'image...Y'a pas que du bon dans Intercannette... Je suis déçue, déçue, déçue... Et encore, je vous ai pas mis les plus belles... Enfoiré. Il vieillit même bien.)(bon, reprenons)(je vais ignorer cette information).


Une fois la balade dans Belfast achevée (qu'est ce que vous croyez ?)(que je vais vous refiler ses adresses ?)(c'est pas un blog style life ici), on est allé au pub et il a commencé à me présenter tout un tas de gens et en matière de présentation, Bob, il maîtrise, une vraie machine à faire payer des tournées.
Le père de Chuckie, d'abord (pour Chuckie, faudra lire le livre, c'est un type complexe, il a besoin de volume)(mais quelqu'un d'extrêmement important, attention) : "Pendant deux longues années, il refusa d'épouser la mère de Chuckie, dont il planta alors la graine. Il finit par l'épouser le jour du premier anniversaire de son fils. Ensuite, fatigué de l'opprobre des Lurgan et finalement exaspéré par la collection des portraits de pop stars années soixante de son épouse, il prit la poudre d'escampette, laissant derrière lui l'impression tenace qu'à défaut de se suicider il était parti pour l'Idaho." Voilà pour les absents.
Ensuite, il y a Max, la copine de Chuckie (je vous l'ai dit, c'est quelqu'un d'important) : "Grande mais dotée de tout ce qu'il fallait, elle arborait la saine chevelure des Américaines et ces dents yankees qui scintillent comme des bijoux. En la regardant, on comprenait comment on aurait dû vivre." (si tu comprends pas, c'est que t'as jamais vu d'Américains de la télé ni de publicités. Et c'est pas possible)(ou alors tu es mort depuis longtemps mais alors qu'est ce que tu fous ici ???). Grâce à Max, vous découvrirez la notion de rixe de pub post-moderne (ah oui, faut savoir que boire des bières avec Bob, ça finit en baston, c'est un rituel)(faut partir tant qu'il fait encore mine d'être content de son sort, après c'est foutu).
En parlant de Max, sa mère, elle paye aussi : "Mme Paxmeir était un fac-similé très approximatif de sa fille. Maigre et diaphane comme une feuille de papier à cigarette, elle arborait un sourire crispé par les coups de soleil et ses réticences. Malgré ses airs de dragon, Chuckie se trouva subjugué par son chic de présentatrice télé. On aurait juré que cette femme n'allait jamais aux toilettes." Alors, oui, c'est vrai, Bob, dès qu'il s'agit de l'Amérique et des Américains, il a la verve qui se dresse et qui cingle, pas désagréable. Sa description de New York avec tous ces gens qui singent les personnages des films comme un monde fictif inversé, c'est splendide, de grands enfants à qui on peut alors tout vendre.



Moi, j'veux qu'on m'en raconte encore des comme ça !
C'est un peu le problème de Bob d'ailleurs, comme il dit : "L'aura d'échec et de célibat que je dégageais provoquait ou encourageait peut-être leurs confidences. Mais il y a de quoi s'inquiéter quand trop de gens vous apprécient. L'affection des masses n'est pas toujours bon signe."
Il est pas prêt pour la télé-réalité, Bob, on serait tenter de chercher partout même pourquoi il n'a plus écrit de tel chef d'oeuvre. Mais faut pas se gâcher le plaisir, faut reprendre une pinte de Stout et tendre l'oreille parce que là, on va parler du monde extérieur, et on va pas se faire chier, Bob c'est pas Jean-Pierre Pernaut, attention :
"Faire des achats est la seule activité qui vous permette d'oublier que vous n'êtes pas en mesure de faire des achats." ça, c'est pour la rubrique économie. Passons à la politique.
"Oui, ai-je répondu à voix basse. J'ai un vrai problème avec la politique. J'ai étudié ce truc là. La politique, c'est comme les antibiotiques : un agent susceptible de tuer ou de blesser des organismes vivants. J'ai un gros problème avec ça."Je lui fais un bisou (7 en réalité) et je lui paye la prochaine tournée.



"La semaine précédente, Ronnie avait déclaré à Rajinder que pour lui les Noirs se ressemblaient tous. Le sourire de Rajinder avait été bien pâle. Je crois qu'il avait déjà entendu ce genre de remarque. Ce fut un moment affreux; néanmoins, pour être honnête avec Ronnie, j'ai dû reconnaître qu'à mes yeux aussi les Noirs se ressemblaient tous. Mais à dire vrai, les Blancs aussi se ressemblaient tous pour moi. A mes yeux, nous avions tous l'air plutôt moches." J'ai décidé que je dirai plus rien là-dessus, je laisse ceux qui écrivent des livres en causer, ils savent, ils sont capables, eux. La preuve : "De manière assez intéressante, les durs à cuire protestants / catholiques adoraient flanquer des raclées mémorables et routinières aux catholiques / protestants, même si ces catholiques / protestants ne croyaient pas en Dieu et avaient solennellement renconcé à leur ancienne foi. Il n'était pas sans intérêt de se demander ce qu'un bigot d'une confession donnée pouvait reprocher à un athée né dans une autre confession. Voilà ce qui me plaisait dans la haine version Belfast. Il s'agissait d'une haine pataude, capable de survivre confortablement en se nourrissant de souvenirs de choses qui n'ont jamais existé." Ma main à couper que y'a d'autres endroits où ça ressembleraient aussi à ça.
Mais, attention, il s'agit de Bob, et on va pas passer à côté des chaumières sans s'arrêter :
"La somptueuse et paresseuse majorité du monde ne se fera jamais couillonner à écrire quoi que ce soit nulle part et, de toute façon, elle ne saurait pas quoi écrire. Son esprit permissif, clément, hétérogène, changerait d'avis à mi-chemin." (on dirait moi...)
Et ensuite, Bob, il vous assène son coup de grâce, mais vous savez, LA grâce, il se dévoile en grand shaman de la pinte, beau, si beau :
"En effet, alors que vous regardez à la lisière de votre champ visuel éclairé, vous apercevez les immeubles et les rues où cent mille, un million, dix millions d'histoires sombres, aussi vivaces et complexes que la vôtre, résident. Le divin ne va jamais plus loin que ça."

Après ça, il faut régler la note et partir. Il va pas tarder à cogner.

vendredi 4 avril 2014

"Ce à quoi Billy Pélerin ne pouvait rien couvrait entre autres, le passé, le présent et le futur"

Pour une fois, je vais tenir ma promesse du post précédent et je vais vraiment vous parler de Kurt Vonnegut, qui est un auteur rigolo avec une moustache.

(quel filou !)


Je n'ai lu qu'Abattoir 5 (ou la croisade des enfants), pour le moment, mais je sens bien qu'il n'en a pas fini avec moi, alors on y reviendra sans doute.

Pour celui-ci, ça raconte l'histoire de Billy Pélerin (Pilgrim, en anglais, c'est important, mais vous saurez pourquoi à la fin de ce post)(on sent que je commence à maîtriser les techniques narratives). Dans la vie de Billy, il se passe tout un tas de trucs comme dans toutes les vies, mais il y a tout de même deux évènements majeurs : sa présence lors du bombardement de Dresde à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, même que c'était une sacrée boucherie, et sa rencontre avec les Tralfamadoriens, des habitants d'une autre planète qui ressemblent à des spaghettis avec une petite main en guise de tête (et de main) et un oeil dans la paume. Ils sont verts comme de bien entendu et malins comme des singes, probablement un peu plus, je ne m'y connais pas en singe mais ils savent tout un tas de trucs, comme nous le raconte Billy :
"Ce que j'ai appris de plus important à Tralfamadore c'est qu'une personne qui meurt semble seulement mourir. Elle continue de vivre dans le passé et il est totalement ridicule de pleurer à son enterrement. Le passé, le présent, le futur ont toujours existé, se perpétueront à jamais. Les Tralfamadoriens sont capables d'embrasser d'un coup d'oeil les différentes époques, de la façon dont nous pouvons englober du regard la chaïne des Rocheuses, par exemple. Ils discernent la permanence des instants et peuvent s'attacher à chacun de ceux qui les intéressent. (...) Un Tralfamadoriens, en présence d'un cadavre, se contente de penser que le mort est pour l'heure en mauvais état, mais que le même individu se porte fort bien à de nombreuses autres époques." Voilà pourquoi ça peut constituer un évènement sacrément important dans une vie de croiser ces spaghettis verts, ça détend. Ce qui est chouette, c'est que du coup Kurt, il s'autorise à ballader Billy et son lecteur, où il veut et quand il veut dans le temps, ça détend.

Mais, comme je vous le disais, il y a eu la guerre aussi, et comme tous les sujets qui laissent sans voix ("cui cui"), on a besoin d'en parler : "Les Allemands et les chiens étaient engagés dans une opération militaire qui porte un nom aussi amusant qu'éloquent, une de ces aventures humaines qu'on décrit rarement en détail et dont la mention seule, aux informations ou sous la plume d'un historien, procure à de nombreux fervents de la guerre une espèce de satisfaction post-coïtale. C'est, dans l'imagination des mordus de la bagarre, le jeu amoureux exquisément nonchalant qui succède à l'orgasme de la victoire. En d'autres termes, "le nettoyage"". Bon, à ce stade-là, moi, j'ai rien à ajouter, je saisi juste Kurt par ses moustaches et je lui fais des bisous. Après tout, quand c'est si bien et justement écrit, le plus bel hommage est de fermer sa gueule. Et de faire des bisous.

Continuons donc à lui lécher les moustaches : "[Juderose] [(c'est le pote d'asile psychiatrique de Billy)] a dit que tous les fruits de l'expérience humaine étaient contenus dans les Frères Karamazov de Dostoïevski. "Mais de nos jours, ça ne suffit plus", a-t-il ajouté. Billy a eu également l'occasion d'entendre Juderose avertir un psychiatre :"J'ai l'impression qu'il va falloir que votre corporation invente une série de mensonges inédits et merveilleux, ou les gens vont simplement renoncer à vivre."" Slurp !

Il faudra que vous lisiez le livre pour savoir comment il arrive à cette conclusion : "Mais en fait le message des Evangiles est celui-ci : Avant de tuer qui que ce soit, assurez-vous bien qu'il n'a pas de hautes relations." Je vous promets que c'est parfaitement argumenté.
D'ailleurs, lecteur fictif, si tu as à ce stade, envie de lire ce livre, arrête tout de suite de lire le blog et cours, cours jusqu'à perdre haleine et va le retrouver.

La suite de ce post m'est égoïstement destinée, je ne veux pas oublier qu'un jour, j'ai lu ça et que ça m'a gonflé le coeur (de tristesse, de soulagement -je me disais bien aussi- et puis enfin d'espoir, quand même un peu, car si on peut l'écrire, alors c'est qu'on peut y faire quelque chose... non ?...)(et il est probable que toutes ces heures que je passe en ce moment dans ces tours de la Défense à l'intérieur desquelles des micro-sociétés aux fonctionnements absurdes font mine de t'expliquer qui tu devrais être contribue à l'émotion que j'éprouve en lisant ces lignes. La vie est spongieuse, isn't it ?) : "L'Amérique est la plus riche nation du monde, mais ces citoyens sont souvent pauvres et quand ils le sont, on pousse chacun d'eux à se haïr. [...] En fait, c'est bien un crime [...] d'être démuni [...]. [...] la tradition populaire cite des exemples d'hommes besogneux mais remplis de sagesse et par là plus estimable que quiconque possède or et grandeur. Les gueux du Nouveau Monde n'ont pas de telles légendes. Ils se rabaissent et glorifient leurs supérieurs dans l'ordre social." (j'ai pas mal découpé ce passage mais c'est parce que Kurt, il voit ça comme une spécificité des Etats Unis, alors que force est de constater aujourd'hui que ça se répand dans le monde telle la peste bubonique)(et aussi parce que je fais ce que je veux avec le blog).
Ca se poursuit logiquement, et puis soudain, on en est là : "Au fil de l'histoire, toute armée, prospère ou non, s'est attachée à habiller ses hommes, même de rang modeste, de façon à ce qu'ils considèrent et soient considérés experts de haute volée en ripailles, copulation, pillage et trucidage. L'armée américaine, cependant, envoie ses recrues au combat et à la mort dans une version revue et corrigée du complet-veston, de taille régulièrement inadéquate, tas de hordes désinfectées mais non repassées qu'une oeuvre charitable hautaine distribue aux ivrognes des taudis. Quand un fringant officier s'adresse à un pauvre type si mal fagoté c'est pour le réprimander comme il se doit. Mais le mépris dont fait preuve le gradé n'a rien à voir avec les conventions paternalistes qui règnent dans les autres armées. C'est une pure expression de haine envers les pauvres qui sont seuls responsables de leur triste sort. Un dirigeant de prison mis en présence de détenus américains pour la première fois doit être averti : il ne lui faut s'attendre à aucune fraternité, même entre frères. Il n'existe nul sens de la solidarité. Chacun agit en enfant boudeur qui bien souvent se voudrait mort." Va prendre le métro maintenant.


En fait, c'est le seul reproche que je ferai à Kurt : il est très américanocentré et il voit le reste du monde comme une entité homogène qu'il idéalise un tantinet mais il a de telle fulgurance de lucidité que je lui pardonne (je suis très magnanime avec les gens que j'embrasse).

Et enfin, car on ne le rappelle jamais assez, c'est si pernicieux (et parce qu'on en profite pour apprendre un joli nom de maladie mentale) : "L'écholalie est un désordre mental dans lequel le sujet répète immédiatement les mots que les bien-portants profèrent autour de lui. Billy n'en souffrait pas vraiment. Rumford le prétendait dans le but d'assurer sa propre paix d'esprit. Rumford raisonnait selon les normes militaires : un gêneur, dont il aurait bien aimé se débarrasser pour des raisons d'ordre pratique, était atteint d'une infirmité choquante." Je me demande au passage si le blog ne souffre pas depuis quelques post d'un genre d'écholalie littéraire...

Ah ! Une insulte cool en conclusion (ça devrait plus souvent servir à ça, la littérature, inventer des insultes cools) : "Va-t-en enculer la lune !", en anglais, ça sonne excessivement cool : "Go and fuck the moon !"


J'ai failli oublier : Pilgrim. Parce que c'est le titre du bouquin que je suis en train de lire, de Thimothy Findley et que si c'est par hasard que je les ai enchaînés, ce n'est apparemment pas par hasard que les 2 héros de ces 2 livres portent le même nom, ce qui constitue un drôle de hasard (oui ? non ?)

vendredi 28 mars 2014

Guerre et Guerre

J'avoue que là, au niveau du titre déjà, j'étais conquise. Reste à vous donner le nom de l'auteur, ce qui va me bouffer 2 mn 30 de mon insignifiante vie, voyez plutôt : Laszlo Krasznahorkai. Et je m'excuse auprès des Hongrois de ne pas respecter les accents mais force est de constater que votre langue aux sombres origines me fascinent et si en plus, vous nous catapultez des auteurs pareils, pas étonnant que j'ai envie de vous faire des bisous.

Alors bien sûr, je pourrai vous résumer l'histoire de Korim (un type chauve à grandes oreilles et en manteau élimé, pas de quoi enlever son slip) qui veut aller à New york pour copier un manuscrit sur l'Internet avant de mourir. Donc, voilà, bien sûr, je vous ai résumé l'histoire mais c'est ça qui est cool, c'est que j'ai rien dit du tout quand j'ai dit ça, que quoi qu'on dise, on ne dit rien de ce livre, tout ce qu'on peut faire, c'est le lire.

C'est l'histoire d'un archiviste qui "... se contentait de maintenir l'Histoire en vie, pourrait-on dire, mais s'il passait toujours à côté de la vérité, le fait d'en être conscient lui apporta une assurance totale, une sérénité, une stabilité, voire même , dans un certain sens, une forme d'invulnérabilité, c'était comme si, après avoir reconnu que son travail était inutile puisque dénué de sens, ce manque d'intérêt et de sens recelait une mystérieuse et incomparable douceur..." (je penserai à ça la prochaine fois devant mon tableur Excel)(et j'expliquerai ça aussi à mon entretien d'évaluation tiens...)

Je suis obligée de découper des bouts de phrase parce qu'elles ne s'arrêtent plus. C'est comme Korim qui n'arrête pas de parler, parler, parler à tous ceux qu'ils rencontrent et on sent bien que vraiment on est content de ne pas l'avoir croisé parce que c'est un sacré pot de colle, comme je vous le disais, ce type est juste fait pour être lu, il a l'air de s'en douter à sa manière, remarque. C'est comme le pote à Violette Leduc qui n'en pouvait plus de l'entendre chouiner sur son enfance malheureuse et qui l'a envoyée dans les bois avec un cahier et un stylo, d'une pierre deux coups : une écrivaine et la paix. Il faudrait que je pense à trop parler de moi tout le temps peut-être...

Gloablement, Korim, il a soûlé tous les gens qu'il a croisés, sauf une bombasse hôtesse de l'air qu'il a rencontrée dans une agence de voyage :

"...bref, l'association de cette beauté royale portée avec modestie et de ce clochard dégénéré perturbait gravement la vie de cette agence, allant même jusqu'à provoquer peu à peu un scandale..."

Et c'est vrai quand on y réfléchit, qu'on a tendance à être choqué quand une belle personne en fréquente une répugnante, et que une fois qu'on le lit, on se dit que c'est con. Et non, ça n'a rien à voir avec la Belle et le Clochard, parce qu'ils ont fait exprès en choisissant le chien qui joue le clochard, de le prendre avec une belle gueule. C'est pareil pour la Belle et la Bête. Ils y arrivent pas les types à vraiment laisser une belle s'éprendre d'un répugnant, ça a l'air de toucher à un truc rudement tabou pour eux (pour tout le monde certainement). Blier, il y est parvenu maintenant que j'y pense, dans les Valseuses, dans Trop Belle pour Toi, dans quasiment tous, il y a de ça... Il en fallait un sacré de sale gosse pour oser ça, il doit y en avoir plein d'autres en vrai, je vais y réfléchir, tiens...

Et puis, il y a ce passage, que je pourrai me réciter comme un mantra, jusqu'à le sortir complètement de son contexte, juste parce que j'ai l'image en tête et quelque chose en plus qui me donne des frissons tellement c'est beau comme le passage préféré de sa chanson préférée qui fait le même effet à chaque fois qu'on l'entend :

"...ils quittèrent la folle circulation de la Twelth Avenue, s'élancèrent joyeusement sur West Side Elevated Highway, rirent, rirent à gorge déployée un bon moment dans la cabine du chauffeur, après quoi ils se mirent à regarder autour d'eux, les yeux brillants et la bouche ouverte, éblouis par le tourbillon des phares, les mains posées sur les genoux, trois paires de mains aux doigts déformés à force de charger et décharger, trois paires de mains posées sur les genoux, et une quatrième, celle de Vasile, occupée à tourner le volant à droite, à gauche, alors qu'ils s'enfonçaient dans le coeur de cette ville inconnue, terrifiante, figée dans l'espérance."

Et parfois Korim s'arrête de parler et réfléchit et sort des trucs comme ça : "Il existe une relation forte entre les choses proches, une relation faible entre les choses distantes, et entre les choses très éloignées, il n'y a plus aucune relation, et là, on touche au divin, dit Korim..." où tu te dis, ça a l'air de sonner juste, mais je suis pas sûre de bien saisir ce qu'il veut dire alors je vais le noter dans le blog pour quand je serai assez grande pour le comprendre.

Enfin, bien sûr, tu me connais maintenant, on ne pouvait pas s'en sortir sans parler de la mort, sans quoi à quoi bon les mots ? Et voilà ce qu'il en dit Korim : "Quand nous mourons, la mécanique continue de fonctionner, et c'est ce qui, pour les hommes est le plus terrible, fit Korim, interrompant le fil de son récit, et il baissa la tête, s'évada un instant dans ses pensées, puis son visage se crispa de douleur, et il se mit lentement à faire des mouvements de rotation de la tête en disant : alors que le fait même que cela continue de fonctionner prouve qu'il n'y a pas de mécanique."

Ce qui est une très belle transition vers Kurt Konnegut que nous aborderons lors de notre prochaine entrevue. Une toute belle journée à toi, lecteur fictif !

jeudi 13 février 2014

Inception

Cher lecteur fictif,

J'ai envie de te parler d'écriture. Ecriture, je te chérie. Ecriture, tu me casses l'ovaire (et ce, plus d'une fois par mois, tu devrais prendre exemple sur mes hormones et calmer tes ardeurs).

Au début, je veux dire, quand je me suis mise à écrire vraiment "sérieusement" (régulièrement, en réalité)(ce 'sérieusement' renferme tout mon trauma)(y'a qu'à voir le début de ce blog pour constater toute la joie, l'enthousiasme, la naïveté et les maladresses du néophyte)(Ecriture, tu me files un coup de vieux)(quoique, si tu suis le rythme de mes hormones viendra un jour où tu me foutras définitivement la paix).
Je te concède que ce n'est pas totalement de ta faute. L'origine du mal, c'est qu'on m'a encouragée. A continuer à travailler. A atteindre un but. Et le but, c'est quand même un problème. Parce qu'il y a quelque chose qui rend un peu fou là-dedans. Parce que mon but à moi, c'était d'écrire. Yaka. Mais si on te dit que c'est bien, qu'il ne faut pas s'arrêter (ça tombe bien, c'est ce que tu voulais entendre)(and my dreams come ALMOST true !) alors le but est devenu d'être lu. Lecture, vieille pute, j'aurais jamais cru que tu me jouerais un tour pareil. Tu as toujours été la plus fiable, la source de plaisir intarrissable, la certitude de ne jamais être déçue ni lassée (un livre que je n'aime pas ne me déçoit pas, il m'interroge et puis il y a l'excitation du suivant et puis plus ça va et plus je devine ce qui va me plaire et surtout me surprendre).
Alors quand il a fallu se demander comment écrire pour être lue, là, on a arrêté de rigoler. Comme je révisais pour le concours de prof de français au même moment, on ne rigolait même plus du tout (enfin si, quand même, sinon autant aller boire des bières). Mais quand même, c'était moins drôle. Parce que il y a eut cette terrible question "Quelle littérature je défends, quelle est ma vision du monde, qu'est ce que j'ai à dire, comment le dire ?"

What the fuck ?

Je ne m'étais jamais, grands dieux, jamais posé des questions pareilles ! Je voulais juste écrire, moi, pas être le roi du monde, je voulais justement l'éviter, le monde. Je ne pensais pas qu'il fallait être ambitieux et, à nouveau, se demander ce que je foutais là.
Et pourtant, pas de doute, j'ai des choses à dire. Et pourtant, pas de doute, j'aime (=je rêve d'être ?) les auteurs qui ont une manière tellement à eux de le dire. Mais j'ai un souci d'ambition. J'ai un conflit de l'effort. J'ai une névrose du but. Et j'aime pas, mais alors pas du tout que ce qui m'angoisse le plus vienne soudain interférer avec ce que j'aime le plus.
Je ne vais pas te mentir, lecteur fictif, mais quand je suis au boulot et que je vais traîner sur le Los Angeles Review of Books et que je lis ça : "Trop de gens écrivent parce qu'ils n'ont pas la force de caractère de ne pas le faire" (Karl Kraus) pour ensuite revenir sur mon tableau Excel de comparaison des montants de CRGS sur les rentes de retraite, j'ai les yeux qui piquent et le coeur qui palpitent dans le mauvais sens.
Parce que ça demande un effort constant, une volonté inébranlable à la limite de l'absurde de vouloir écrire pour être publié et si ça paraît cool d'être Bruce Willis dans '58 minutes pour vivre' au cinéma, dans la vie, c'est beaucoup moins gratifiant d'avoir 58 minutes pour écrire par jour. Je sauve le monde tous les jours et le monde s'en fout !?!! C'est pas très gentil (Va t'en, Freud, je te cause pas).

Pour ne toujours pas te mentir, heureux lecteur, je ne regrette rien, non, rien de rien (à chaque fois que je dis ça, je me revois ivre morte avec une copine en train de gueuler cette chanson en sortant d'une soirée étudiante)(que pouvais-t-on regretter à ce moment-là ? La prétention de l'homme soûl me fera toujours bidonner). J'ai lu un tas de trucs, de la bible des recettes pour scénaristes (John Truby, tu me rappelles cette formation en "développement personnel" que nous avait une fois infligée un boss illuminé)(depuis qu'il avait lui-même suivi ce stage, il avait quitté sa femme et il passait ses soirées dans des clubs de salsa et des soirées échangistes tout en se prenant pour Bill Gates)("I'm living the dream !!!"). Mais j'ai appris ce que c'était qu'un arc narratif et j'ai compris aussi l'angle des critiques littéraires et ciné des revues américaines. Et j'aime bien comprendre. Etre d'accord ou pas, ou avoir raison, ça m'emmerde prodigieusement.
J'ai lu aussi 'Ecritures' de Stephen King. Je l'aime bien Stephen. Je ne lirai jamais ses livres parce que l'horreur me fait trop peur (je sais, c'est fou). Mais je l'aime bien. Il parle joliment de sa femme (c'est son secret, elle et sa maman qui lui a donné un sou le jour où il a fini sa première nouvelle)(America !). Et il n'écrit pas un livre de recettes. Il a compris, lui, pourquoi et comment il écrivait.
Bon, et oui, 'Lettre à un jeune poète' de Rilke et 'Ecrire' de Duras et tout un tas d'encouragements de gens très chouettes. Je t'épargne, lecteur. No secret at all. Mais toujours des belles pages, ça fait toujours du bien de discuter de mes problèmes avec des gens très chouettes.
Je sais que j'ai énorme appris ces trois dernières années et je m'en rends compte quand je lis, c'est encore mieux qu'avant.

Et puis, j'ai compris que publiée ou pas, je ne lâcherai jamais l'affaire. Que ça pique un peu mais que ce n'est pas le plus important d'être reconnue. Il y a quelque chose d'autre. Mais je ne sais pas encore quoi. J'aimerai juste, un jour, me dire : "voilà, c'est ça que j'aime écrire, c'est comme ça que je veux écrire". Fuck les recettes.
Comme j'ai toujours appris facilement, et souvent des choses qui ne m'importaient pas, je découvre pour la première fois la difficulté d'apprendre. Je repense à mes élèves que je n'ai eu que pendant six semaines, car comment leur apprendre ce que je ne savais pas ? Surmonter l'angoisse de ne pas savoir, chercher sans savoir ce qu'on cherche. Ils se demandaient toujours à quoi pouvait bien leur servir ce qu'on leur apprenait. Mais comment savoir à quoi ça sert d'écrire quand on ne sait pas écrire ? Apprendre, c'est terrifiant, parce qu'on ne sait pas ce qu'on apprend.
Et puis zut. Il y a toujours eu ces moments dans ma vie où le coeur et la tête explose de joie, parce que "ça y est, j'ai compris !", ça fait comme une défonce d'oxygène, tout devient plus grand, moi y compris. ça, pour moi, c'est l'expérience qui se rapproche le plus du bonheur (pour ce que j'en ai compris) et ça marche dans tous les domaines de la vie.

Force est de constater que j'écris pour savoir pourquoi j'écris.