vendredi 13 décembre 2013

ça sent le sapin

Et Quelquefois j’ai comme une grande idée est un gros livre.


 Et c’est tant mieux parce que je n’ai aucune envie de le terminer. Quand j’étais petite et qu’on nous payait une viennoiserie, je prenais toujours un chausson aux pommes que je dégustais à micro-bouchées pour qu’il dure le plus longtemps possible parce que je savais qu’on ne retournerait pas de sitôt à la boulangerie. Et Quelquefois…, c’est pareil. Je voudrais que le temps suspende le vol des oies parce qu’on est trop bien à se rouler dans ces pages où résonnent les flots ravageurs de la Wakonda-Auga et les vociférations de Henry Stamper, dans ces pages qui s’égarent au gré de l’enfance perdue de Leland (FAIS GAFFE !), dans les forêts humides de l’Oregon et dans les esprits de Jenny l’Indienne, ces pages qui, avec l’indestructible ( ?) force virile de Hank Stamper avancent inexorablement vers… (je ne veux pas le finir !), ces pages qui s’octroient mille détours indispensables dans les sous-bois de chaque personnages, qui décrivent la naissance de cette absurde obsession qu’est l’amour, l’histoire d’une famille de bûcherons qui à l’image d’un pays se déploie avec fracas, déchirements, violences et quelques tendres rires (bisous Joe Ben). Dans ces pages grondent aussi les machines économiques qui, quelques soient leurs promesses, continueront sans cesse à rouler des espoirs fébriles du jeune stagiaire aux frustrations gastriques d’un ponte syndical jusqu’à l’écho des bouteilles sans cesse vides du coupeur de billots (mais de quoi ont-ils tous si peur ?), ces pages qui vous malaxent le cœur sans égards parce qu’elle est belle mais ô combien fratricide la lutte des Stamper pour survivre à la plastification Dupont de Nemours. Je ne sais pas où va ce bouquin, et pour tout vous dire, ça m’est bien égal, je me balade, je m’arrête partout, je m’empiffre de pommes caramélisées, je me soûle au Snag, je chasse l’ours, j’écime des sapins et j’espionne les habitants de Wakonda. Mais j’entends la rivière monter et je sais bien que je n’échapperai pas à la fin.

Kesey, c’est comme Exley, c’est des shoots inoubliables.


 Vous êtes un redoutable dealer littéraire, Monsieur Toussaint Louverture, je vous supplie de ne jamais vous arrêter. J’ose pas imaginer l’émotion à l’issue de la traduction et de l’édition de Et Quelquefois j’ai comme une grande idée parce que c’est un travail énorme, c’est somptueux, c’est une cathédrale. Après ça, vous pouvez mourir tranquille.

Merci infiniment.