dimanche 16 juin 2013

I heard that some tiny penis(-ia) want to fuck you in the nose.

Je viens de relire mon précédent post (qui date du 6 mars)(je crois que c'est bon, ce coup ci, j'ai découragé tous mes lecteurs fictifs potentiels) qui arbore un style sacrément cahotique. J'aimerai pas être dans ma tête dans ces moments-là. Dieu merci, ça m'arrive rarement.

Je pense avoir mûri depuis le mois de mars : j'ai changé, je sens deep inside que je suis capable de tenir des propos qui pourront faire une différence, qui pourront changer le monde (I feel so American !)(<= Note pour plus tard : Spring Break Hystérie). En effet, j'ai enfin arrêté de ne lire que des livres qui parlent de boxeurs, tous ces types qui cassent des nez compulsivement (Putain ! Regarde ! Un nez ! Je vais te le défoncer sa race à ce putain de nez ! JE HAIS LES NEZ ! Je vais probablement organiser un vaste génocide de nez.)(néanmoins je recommande Pour être un homme de Craig Davidson et Le Ring Invisible de Alban Lefranc) et je reviens à des considérations plus classiquement  littéraires avec Henry James et André Gide (en même temps est-ce qu'il vaut mieux se confier à 2 vieux sodomites plutôt qu'à un tas de brutes trépanées ?)(parfois la liberté de choisir n'est pas d'un grand secours).

Je m'attarderai aujourd'hui sur le cas de Dédé qui est bien plus drôle qu'il n'en a l'air (contrairement à Henry qui est aussi drôle qu'il en a l'air). Nous ne nous étalerons pas sur le fait que ce garçon maîtrise admirablement la langue française, tellement qu'il peut se permettre de faire des phrases à l'envers sans que ça choque outre mesure. C'est une chose entendue : Gide, ça sonne bien. Maintenant que ça s'est dit, on va pouvoir se dire les autres choses franchement :
Ce type est sénile.
Sympa, intéressant, loin d'être con, mais sénile.
Enfin, imaginez : je suis là sous la couette, peinarde, c'est samedi matin, j'ai un week-end entier devant moi, il fait beau (si.)(on est en juin : il fait beau. C'est comme ça, ça a toujours été comme ça et je ne vois aucune raison pour que ça change.)(il faudra que je vous parle du Déni, un truc vraiment pratique, sur une idée originale de Gazoline). Donc bref, on voit le tableau : d'une main dolente je tiens ma tasse de café, de l'autre un exemplaire des Nourritures Terrestres de Dédé. Je me laisse transporter par la beauté de la langue et le lyrisme d'une pensée vive et alerte comme le ruisseau alpin quand soudain... Dédé se met à hurler de but en blanc :

"NOURRITURES !"

... ?

 "NOURRITURES !"

Exactement comme ma grand-mère qui est en train de raconter une charmante anecdote sur sa jeunesse dans une campagne début de siècle et qui soudain s'interrompt en plein milieu de sa phrase pour éructer en recrachant son pain : "Mais c'est trop dur ! Comment est-ce qu'ils veulent que je bouffe ça ! Non mais, regarde moi ces grosses dondons à la cuisine pas foutues de bouger leur putain de gros cul pour nous ramener du pain frais, elles doivent se le faire livrer directement dans le cul tous les matins, ces grosses putes! Quand on n'a pas de cervelle à remplir, on se fourre l'anus avec mon déjeûner, c'est ça ?!?!!" (ce n'est pas exactement le propos original, je n'avais pas l'opportunité de prendre des notes au moment des faits, mais aucun doute que c'était l'idée).
Et ce parallèle m'amène naturellement à la conclusion que Dédé est sénile. Et alors ? ça ne l'empêche pas d'avoir des trucs excessivement cools à dire (ma grand-mère non plus) mais c'est comme ça, avec l'âge, on devient sénile, ni Dédé ni vous n'y échapperont (le fait que Dédé ait pu avoir 27 ans au moment de l'écriture de son livre venant réduire à néant toute ma démonstration, ce fait ne sera pas retenu)(et c'est probablement mieux ainsi car un type qui s'écrie à tout bout de champ "Nourritures !" est soit sénile soit souffrant d'un syndrome de Tourette académique).
Bon, pas de quoi en faire un drame comme je vous le disais, la sénilité, c'est plutôt cool, c'est comme l'innocente fraîcheur de l'enfance : on se fout de tout à part de la bouffe. Mais quand il s'agit de bouffe, alors, là, attention, ça rigole plus du tout, on est capable de s'étrangler de rage s'il n'y a pas de purée au menu. Cette forme d'engagement total est très belle, je trouve. On sent qu'ils seraient prêt à mourir (ou plus précisément à tuer) pour obtenir gain de cause dans leur assiette. Ne rigolez pas : pour la plupart d'entre nous, c'est probablement la seule cause qu'on servira avec autant de constance et d'intégrité.

Un autre argument qui me fait penser que André Gide est sénile, c'est cette lubie de m'appeler systématiquement Nathanaël, alors que je m'appelle Anne-Laure. J'ai beau lui répéter, pas moyen qu'il se souvienne de mon prénom. Il me semble pourtant qu'on est assez proche : je vous rappelle qu'on prend le petit déjeuner ensemble sous la couette le samedi. Bon. C'est sans doute comme ça quand on fréquente des vieux. Autant m'y faire, ça m'arrivera tôt ou tard.

Mais à part ces moments bizarres où il réclame du rab de paupiettes comme si sa vie en dépendait, il dit des trucs très cools (et je n'en suis qu'au Livre Troisième)(oui, il est un peu précieux comme ça, Dédé)(comme si moi je disais que j'en étais à mon post CentVingtHuitième):

"J'ai peur que tout désir, toute énergie que je n'aurais pas satisfaits durant ma vie, pour leur survie ne me tourmentent. J'espère, après avoir exprimé sur cette terre tout ce qui attendait en moi, satisfait, mourir complètement désespéré."

"NOURRITURES !"

(désolée, ça me fait trop bidonner)

"Je n'aime point ceux qui se font un mérite d'avoir péniblement œuvré. Car si c'était pénible, ils auraient mieux fait de faire autre chose. La joie que l'on y trouve est signe de l'appropriation du travail et la sincérité de mon plaisir, Nathanaël (Anne-Laure. ....  Non, rien, c'est pas grave, continue Dédé, la sincérité de ton plaisir ?) m'est le plus important des guides."

"Nathanaël, n'apprête aucune de tes joies." (= ne fais pas ta mijaurée)

"Il y a des maladies extravagantes.
Qui consistent à vouloir ce que l'on n'a pas."

(visiblement cet aphorisme s'applique à tout sauf au rab de paupiettes)

"Malheur à toi si tu dis que ton bonheur est mort parce que tu n'avais pas rêvé pareil à cela ton bonheur - et que tu ne l'admets que conforme à tes principes et à tes vœux.
Le rêve de demain est une joie mais la joie de demain en est une autre, et rien heureusement ne ressemble au rêve qu'on s'en était fait; car c'est différemment que vaut chaque chose."

"Ce n'est pas pour nous, c'est pour elle que chaque chose est importante."